Intervention de Carol Sirou

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 janvier 2012 : 2ème réunion
Régulation financière pour restaurer l'utilité sociale des marchés — Table ronde

Carol Sirou, présidente de Standard & Poor's France :

Notre rôle est d'analyser le risque de crédit. Nous ne sommes pas régulateurs mais acteurs, plus précisément observateurs, des marchés financiers. Pour nous, la régulation doit être cohérente au niveau international et coordonnée mondialement ; car les marchés sont interconnectés en même temps que fragmentés.

Pour continuer à disposer de financements à long terme, discipline, transparence et responsabilité sont indispensables. Quel rôle revient aux agences de notation ? Nous ne sommes pas des acteurs « actifs » des marchés, mais nous évaluons la qualité du crédit. Nous ne notons pas les produits dérivés ni les dark pools mais des entités juridiques, les chambres de compensation par exemple, et nous apprécions l'évolution de l'environnement réglementaire. La réforme en cours au niveau mondial, depuis le G 20 de septembre 2009, améliore la transparence et la stabilité du système financier. Aux Etats-Unis comme en Europe on cherche à attirer les transactions de gré à gré vers les plateformes de négociation : l'approche sur ce point est similaire. Les Américains ont déjà mis en place un certain nombre d'éléments, les Européens suivent ce mouvement. Les agences de notation sont dans leur rôle quand elles signalent des écueils. Aujourd'hui, 90 % des dérivés s'échangent de gré à gré - 600 000 milliards d'euros de notionnel ! Le transfert vers les plateformes et les chambres de compensation d'un tel volume ne se fera pas sans difficultés opérationnelles. Il nous faudra apprécier la capacité de chaque chambre à gérer des montants aussi considérables. Les faillites de Lehman Brothers et de MF Global ont été aisément absorbées, y compris grâce aux fonds de garantie. Mais les fonds propres des chambres de compensation devront augmenter avec la croissance de l'activité. En outre, toutes les chambres de compensation ne seront pas capables de compenser tous les produits. Enfin, on demande aux banques de mobiliser du collatéral - 2 000 milliards de dollars selon le FMI - dans les chambres de compensation, mais cela a un impact sur leurs ratios de fonds propres que Bâle III tend à augmenter. Il y a là une contradiction entre les deux réglementations. De même, l'interopérabilité entre chambres de compensation est louable, mais j'y vois un risque de contagion. À mon sens, ces initiatives vont dans la bonne direction en accroissant la transparence sur les marchés. Les acteurs concernés sont habituellement notés A ou AA, mais il importe de ne pas sous-estimer les enjeux.

J'en viens au projet du commissaire Barnier sur les agences de notation, un texte qui me tient à coeur. Il importe d'améliorer la qualité des notations, donc l'efficience des marchés. Je partage la volonté de renforcer la concurrence dans ce domaine et de réduire la dépendance envers les agences de notation. A ce propos, M. Jouyet a évoqué la « désintoxication aux agences de notation ». Cependant, certaines dispositions vont à l'encontre de cet objectif. Ainsi, la rotation obligatoire des agences qui s'imposerait aux émetteurs porterait atteinte à la continuité dans la notation, ce qui pèserait sur la perception des émetteurs européens par les investisseurs internationaux. De plus, certaines dispositions gêneraient l'entrée de nouveaux acteurs sur ce marché. Je pense notamment aux règles relatives à la responsabilité. Le texte proposé par la Commission européenne risque de réduire le nombre d'intervenants sur le marché, d'accroître la dépendance des investisseurs envers les agences de notation et d'induire une grande frilosité face au risque.

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