La question de la croissance est énigmatique. Les travaux économétriques menés sur un large panel de pays montrent que l'ouverture financière - l'importance des flux sortants et entrants - n'a pas d'effet sur la croissance potentielle. La croissance récente a été soutenue, au tournant des années 2000, par un endettement rapide des ménages, qui a poussé à la hausse la consommation. Ce fut le cas aux Etats-Unis ou en Espagne. Mais l'instabilité conduit à une croissance toujours plus faible, décennie après décennie.
On a évoqué ici une régulation des comportements, qui interviendrait en amont au lieu de bloquer les prix ou les volumes. Le principe de l'innovation financière, c'est la dissociation des risques - comme la division du travail, dans un autre domaine - et l'élaboration de véhicules appropriés pour transférer ces risques ailleurs. Les options, les swaps, qui portaient sur le risque de volatilité des marchés, étaient un progrès. Mais la création des dérivés de crédit a augmenté le degré d'incertitude. Elle a entraîné différents comportements pervers. D'abord, l'arbitrage régulatoire, c'est-à-dire la transformation de crédits pour échapper aux exigences de Bâle en matière de fonds propres. Il y a là une désutilité sociale : une masse de crédits immobiliers est assise sur des arbitrages régulatoires. Voilà pourquoi il faut une régulation la plus homogène possible. Ensuite, les opérateurs ont pensé que les risques, bien divisés, bien disséminés, diminuaient globalement. Mais ils sont revenus de plein fouet sur les banques.
En réalité, il y a eu une sous-évaluation du risque. Les crédits initiaux étaient revendus immédiatement à des banques d'affaires qui les titrisaient, parfois en chaîne. Asset backed securities, titres dérivés de crédit, puis dérivés au carré, ont produit une masse considérable à partir du crédit initial. Outre la sous-évaluation du risque au départ, le levier de l'endettement a été utilisé à l'excès par les institutions financières, et toute volonté de le réduire se heurtait à un lobby puissant. Les hedge funds ont joué en cette matière un grand rôle, utilisant à fond les effets de leviers, comme le fonds LTCM en 1998, provoquant des faillites, dans les banques commerciales et dans les shadow banks aussi.
Il faut donc réduire l'ampleur des leviers, par exemple en exigeant de la banque qui titrise qu'elle conserve une part importante de ces produits dans son bilan. De cette manière, on réduit le potentiel d'expansion du crédit.