Intervention de Marc-Etienne Lavergne

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er février 2012 : 1ère réunion
Situation dans la corne de l'afrique — Audition de M. Marc Etienne lavergne géopolitologue directeur de recherche au cnrs

Marc-Etienne Lavergne :

Sans doute faut-il changer notre regard sur les shababs qui ne sont pas le diable incarné. Pour beaucoup, l'islam est évidemment leur culture, mais l'islamisme, en revanche, est parfois une posture opportuniste qui permet un positionnement dans le jeu politique complexe de la Somalie. Il faut trouver des moyens d'intégrer ces gens dans un processus politique. Mais il faut reconnaître que notre capacité à intervenir sur la marche du monde, dans cette région comme ailleurs, s'est considérablement amoindrie. L'occident a, en définitive, beaucoup perdu de son influence. Et, pour l'essentiel, son ambition dans la région se résume à défendre ses bateaux.

S'agissant des constructions étatiques dans la région, il ne faut pas oublier le cas de l'Ethiopie où l'empire éthiopien a construit un Etat centralisé et une administration en capacité de gérer les politiques. Le Somaliland est un exemple un peu différent, qui a conservé un système traditionnel de décision et d'élection par consensus. C'est l'arbre à palabres, étendu à une zone plus vaste que le village et un système relativement démocratique d'élection du président, avec une possibilité d'alternance, comme cela a été le cas récemment. La chance du Somaliland c'est finalement de vivre caché et de ne pas susciter de convoitises. C'est un pays qui vit, en grande partie, de la vente de moutons aux pays de la péninsule arabique. Il y a en effet de nombreux échanges entre la Corne de l'Afrique et la péninsule arabique. Il ne faut pas oublier que la capitale du sultanat d'Oman a longtemps été déplacée à Zanzibar au XIXè siècle, pour mieux contrôler un empire maritime florissant dont l'influence s'étendait du détroit d'Ormuz jusqu'aux Comores.

En ce qui concerne les connexions entres les milices islamistes se réclamant d'Al Qaïda dans la Corne de l'Afrique et dans le Sahel, on pense qu'il y a un lien. De même qu'il y a des liens avec le Yémen, où Al-Qaïda contrôle le port de Zinjibar sur le golfe d'Aden et l'Arabie Saoudite. Et, comme le savez, les groupuscules qui se réclament d'Al Qaïda sont très loin d'être homogènes et ont des agendas locaux et régionaux qui ne se recoupent pas. De plus, on connaît finalement assez mal la nature de leurs relations. On constate que les armes circulent, que de l'argent circule et, par nature, ces trafics sont cachés.

S'agissant de la création de nouveaux Etats comme le Sud-Soudan, il faut souligner que la création de ce nouvel Etat va à l'encontre de la charte de l'Union africaine et n'a fait l'objet d'une reconnaissance internationale que parce qu'elle a été proposée par le Soudan. C'est d'ailleurs une histoire assez paradoxale puisque, à l'origine, le Dr John Garang, le leader sudiste fondateur du Sudan People's Liberation Movement (SPLM), était avant tout favorable à un Etat unitaire fondé sur une stricte égalité des nordistes et des sudistes. Il s'agit d'un précédent important puisque la quasi-totalité des pays d'Afrique ont, au sein de leurs frontières, des situations comparables à celle du Sud-Soudan.

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