Intervention de Marc-Etienne Lavergne

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er février 2012 : 1ère réunion
Situation dans la corne de l'afrique — Audition de M. Marc Etienne lavergne géopolitologue directeur de recherche au cnrs

Marc-Etienne Lavergne :

Vous avez eu raison de souligner que la situation est paradoxale. Non seulement John Garang n'était pas, à l'origine, favorable à une partition, mais l'essentiel des dirigeants sudistes avaient fait carrière dans le nord et étaient favorables à un Etat unitaire fondé sur l'égalité de tous. Il faut toutefois souligner que la base des mouvements sudistes du mouvement était sans doute plus favorable à la partition. Dans ce contexte, la mort de Garang a interrompu un processus dont on ne sait pas si, sous sa responsabilité, il aurait abouti à la partition. C'est lui qui a mené pendant trois ans, de 2002 à 2005, les négociations avec le Nord, qui ont abouti à l'accord de paix global de Naivasha, le 9 janvier 2005. L'accord prévoyait un partage du pouvoir au niveau national et fédéral, une autonomie transitoire pour le Sud avec un gouvernement et un Parlement régional ainsi qu'un référendum d'autodétermination à l'issue d'une période transitoire de six ans. Il est mort accidentellement en août 2005, avant la fin de cette période. Le référendum du 9 janvier 2011 a donné plus de 98 % des voix en faveur de la partition. D'autres solutions auraient sans doute été possibles. De très nombreux sudistes habitent aujourd'hui au Nord en raison de plusieurs décennies de guerres civiles. Pour construire un Etat au Sud-Soudan, il faut faire venir des cadres du Nord. Pour l'instant il se crée sans moyens, sans administration et sans un projet politique très précis, sur un fond de gabegie et de corruption inquiétants.

Cela dit, l'existence du Sud-Soudan est indiscutablement le résultat d'un choix libre et massif de la population du sud. Nul doute que des forces hostiles à l'existence du Soudan, plus vaste pays d'Afrique, doté d'une capacité de nuisance réelle avec ses moyens financiers, son idéologie anti-occidentale et ses alliances avec des Etats voyous ou parias comme l`Iran, s'en soient réjouies. Le Sud-Soudan développe au grand jour des liens très étroits avec Israël, au grand dam des pays arabes les plus proches. Mais il a également noué des relations étroites avec l'Égypte et les investisseurs du Golfe y sont les bienvenus. Et les liens avec le Nord, forgés depuis plus d'un siècle et demi, demeureront d'autant plus forts que des millions de Sud-Soudanais d'origine sont installés au Nord, et que les liens économiques et culturels, voire religieux, paraissent indissolubles à brève échéance.

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