Intervention de Vincent Destival

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er février 2012 : 1ère réunion
Situation financière de l'assurance chômage — Audition de Mm. Vincent deStival directeur général et michel monier directeur général adjoint de l'unedic

Vincent Destival, directeur général de l'Unédic :

Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Gaby Bonnand, président de l'Unédic, qui n'a pas pu se libérer ce matin. Je vais d'abord faire le point sur la situation financière de l'assurance chômage, puis évoquer nos relations avec Pôle emploi et, enfin, aborder quelques sujets complémentaires.

La situation financière s'inscrit dans le contexte conjoncturel que nous connaissons tous. C'est donc l'Unédic qui a la charge, comme vous l'avez rappelé, d'être le gestionnaire de l'assurance chômage pour le compte des partenaires sociaux. Je crois qu'il est important de le rappeler car l'Unédic était par le passé identifiée davantage à sa fonction d'animation du réseau des Assédic et on avait peut-être un peu oublié sa fonction de conseil, d'appui de gestion auprès des partenaires sociaux dans leur rôle d'élaboration d'une norme sociale d'assurance chômage. Aujourd'hui, l'Unédic est recentrée sur sa mission de gestion paritaire qui fait vivre, comme le dit notre président, le consensus issu des négociations entre les partenaires sociaux. La mission de l'Unédic est de veiller à ce que les règles définies par les partenaires sociaux soient mises en oeuvre, que les moyens financiers nécessaires et que les opérateurs qui travaillent pour le compte de l'assurance chômage soient mobilisés. Le recouvrement a été transféré à l'ACOSS depuis le 1er janvier 2011. Notre opérateur principal étant Pôle emploi, l'Unédic est l'animateur de ce système qui s'appuie, d'une part, sur les opérateurs de recouvrement dans le champ des organismes de protection sociale, d'autre part, sur Pôle emploi dans le champ des politiques d'emploi.

Pour en venir à nos prévisions financières, nous avons l'habitude de les actualiser trois fois par an à peu près : nous avions fait un état des lieux au mois de septembre dernier et nous venons de l'actualiser il y a deux semaines. L'Unédic n'est pas elle-même un organisme de prévision macroéconomique. Notre métier, c'est de faire des prévisions sur le marché du travail, et d'en faire la traduction financière pour l'équilibre financier de l'assurance chômage. Donc, sur le plan macroéconomique, nous nous appuyons systématiquement, c'est vraiment une règle de fonctionnement que nous nous sommes donnée, sur le consensus des économistes qui est publié chaque mois.

Le dernier consensus sorti au milieu du mois de janvier faisait état d'une prévision de croissance nulle pour l'année 2012. C'est sur la base de cette hypothèse que nous avons construit nos prévisions d'évolution de l'emploi, du chômage et nos prévisions financières. Aussi, nous anticipons pour cette année une réduction du nombre d'emplois, soit un peu plus de 120 000 suppressions nettes en 2012 dans le champ de l'assurance chômage. Dans le champ du secteur privé, il est important de noter, pour en faire la traduction financière ensuite, une progression de la masse salariale, du fait de la progression du salaire moyen par tête que nous estimons autour de 2 %, et donc une prévision de hausse de la masse salariale de 1,7 %. A ce sujet là, je souligne le fait que, historiquement, les recettes de l'assurance chômage, sur les dix dernières années, donc y compris à travers les années de la crise 2008-2009, n'ont jamais baissé d'une année sur l'autre. En 2009, elles se sont stabilisées parce que le dynamisme des salaires a compensé l'évolution négative de l'emploi. L'année 2012 sera une année de croissance de la masse salariale, donc des recettes de l'assurance chômage.

Compte tenu de l'évolution de la population active, que nous savons dynamique dans notre pays, nous prévoyons une progression du chômage indemnisé. Nous anticipons sur l'année 2012 140 000 chômeurs indemnisés supplémentaires. Il est évident que ces données macroéconomiques ont des conséquences financières sur l'assurance chômage : on émet l'hypothèse que les recettes progresseraient de 1,7 % en 2012. En revanche, les dépenses augmenteraient en fonction de l'évolution du chômage indemnisé de près de 10 % par rapport à 2011 au cours de l'année 2012. En 2011, ces dépenses avaient légèrement baissé : 1 % de baisse par rapport à l'année 2010, ce qui montre l'extrême sensibilité des dépenses de l'assurance chômage par rapport à la situation conjoncturelle.

Sur un budget global de l'assurance chômage en termes de recettes de 33 milliards d'euros, nous prévoyons, pour l'année 2012, un déficit de 4,3 milliards d'euros, ce qui est plus élevé que dans notre prévision précédente, et une dette nette de l'assurance chômage qui s'élèverait à 15,4 milliards d'euros à la fin de l'exercice.

Il faut resituer cette dette par rapport à l'historique financier de l'assurance chômage. Si on regarde le niveau de la dette prévue fin 2012 rapporté au niveau des recettes de l'assurance chômage, le ratio est d'environ 48 % de dettes rapportées aux recettes annuelles, donc en-dessous de six mois de recettes. On n'est pas très loin du maximum historique qu'a connu l'assurance chômage, en 2005, où la dette représentait près de la moitié des recettes annuelles de l'assurance chômage.

Certes, la situation est dégradée en matière d'endettement, mais des phénomènes identiques se sont déjà produits par le passé. Je rappelle à ce sujet, et j'insiste là-dessus, le caractère extrêmement cyclique de l'équilibre financier de l'assurance chômage, qui allie des recettes relativement stables et des niveaux de dépenses très volatiles.

Si l'on prévoit un déficit de 4,3 milliards d'euros en 2012, nous avons connu, il n'y a pas si longtemps, des excédents de l'assurance chômage du même ordre de grandeur. C'était le cas en 2007 et 2008, années au cours desquelles l'assurance chômage a dégagé des excédents avoisinant les 4 milliards d'euros. Donc quand la conjoncture redémarre, l'Unédic peut reconstituer assez rapidement des excédents et réduire sa dette. La dette est une variable d'ajustement qui permet à l'assurance chômage de ne pas accentuer le cycle économique en augmentant les cotisations des entreprises ou en réduisant les allocations versées aux demandeurs d'emploi quand la situation conjoncturelle se dégrade. Donc ce n'est pas une dette structurelle mais conjoncturelle.

Vous l'avez rappelé, le Parlement a autorisé l'Etat à donner sa garantie pour les émissions obligataires de l'Unédic à hauteur de 7 milliards d'euros. Ce montant correspond au besoin de financement de l'Unédic pour 2012, pour faire face, d'une part, à l'augmentation de déficit de 4 milliards d'euros et, d'autre part, à l'échéance d'un emprunt obligataire de 4 milliards d'euros qui arrive en décembre 2012, soit un total de 8 milliards d'euros au cours de l'année 2012 que nous couvrirons pour 7 milliards d'euros par des emprunts obligataires et pour un milliard d'euros par des financements de court terme. Nous avons aujourd'hui un financement équilibré : 60 % d'emprunts obligataires et 40 % de billet de trésorerie à court terme dont la maturité moyenne est de trois à quatre mois en fonction de la situation des marchés financiers. Nous emploierons encore, au cours de l'année 2012, ces deux types de financement.

Je mentionne, pour conclure sur ces questions financières, la question du code monétaire et financier, qui contient une clause prudentielle applicable aux associations émettant des obligations. Il n'y a en France qu'une seule association qui émet des obligations sur le marché financier : c'est l'Unédic. Cet article crée une insécurité juridique pour l'assurance chômage et pour les investisseurs financiers. On a travaillé avec l'Etat pour faire évoluer la rédaction de l'article L. 213-15 du code monétaire et financier. Cela avait été évoqué en fin d'année 2010 au moment du vote de la loi de finances rectificative qui avait une première fois autorisé l'Etat à accorder sa garantie à l'Unédic. La disposition qui avait été envisagée risquait d'être considérée comme un cavalier budgétaire. C'est la raison pour laquelle la solution de la garantie de l'Etat a été retenue.

Sur nos relations avec Pôle emploi : pourquoi l'Unédic est-il le premier financeur et verse-t-il chaque année trois milliards d'euros à Pôle emploi, soit 10 % de ses recettes ? La contribution de l'Unédic à Pôle emploi, comme les recettes de l'assurance chômage, est en progression régulière. Pour l'année 2012, le financement que l'Unédic va octroyer à Pôle emploi augmentera d'un peu plus de 100 millions d'euros. Evidemment, l'Unédic est particulièrement attentive à ces relations avec Pôle Emploi parce que de la qualité de l'accompagnement dépendent les conditions dans lesquelles les allocations d'assurance chômage sont versées aux demandeurs d'emploi. Ce lien entre les politiques d'indemnisation du chômage et les politiques d'accompagnement est une condition de la performance du dispositif global de l'assurance chômage, et c'est bien ainsi que les partenaires sociaux l'avaient exprimé dans une lettre paritaire publiée en mai 2011.

S'agissant des relations entre l'Unédic et Pôle emploi, une nouvelle convention tripartite a été négociée puis signée le 11 janvier dernier entre l'Etat, l'Unédic et Pôle emploi pour fixer les objectifs de ce dernier pour la période 2012-2014. Cette convention tripartite a été alimentée par les travaux de la mission d'information du Sénat sur Pôle emploi qui a rendu ses conclusions en juillet 2011, au moment où démarrait la négociation de la nouvelle convention tripartite. Les orientations et la méthodologie retenues dans cette nouvelle convention tripartite reprennent assez largement les conclusions de la mission d'information sénatoriale.

Je voudrais l'illustrer rapidement au travers de quelques exemples. La mission insistait notamment sur le fait que cette convention tripartite devait devenir le lieu de dialogue stratégique entre les deux co-financeurs : l'Etat et l'Unédic. L'Etat et les partenaires sociaux se sont bien mis d'accord sur le fait que cette convention tripartite était un outil stratégique d'orientation et de définition d'objectifs et non pas un simple outil de gestion. De son côté, Pôle emploi dispose de son propre conseil d'administration qui est le lieu naturel où se fait la gestion de l'opérateur et où se définit son offre de service et les moyens mis en oeuvre.

La première convention tripartite était centrée sur la mise en place de Pôle emploi et la fusion des réseaux de l'Anpe et des Assédic. La seconde convention tripartite répond davantage aux recommandations de votre mission d'information, notamment la nécessaire déconcentration du service public de l'emploi car c'est un moyen de mieux tenir compte de la diversité des territoires. Cette déconcentration appelle aussi un pilotage régional tripartite en déclinaison du pilotage national et donc il convient aussi que l'Etat, les partenaires sociaux et Pôle emploi en région travaillent ensemble sur la déclinaison des objectifs nationaux de la convention tripartite, en tenant compte des spécificités des territoires. Il s'agit maintenant de veiller à ce que le pilotage stratégique, au niveau régional et national, se mette effectivement en place car il ne suffit pas d'avoir signé des beaux documents pour que toutes les questions soient réglées.

Le deuxième thème de recommandation du rapport d'information portait sur le pilotage par la performance qui est un souci que l'Unédic et les partenaires sociaux partagent très fortement. Vous disiez qu'il fallait une liste des indicateurs réduite en nombre et centrée sur les résultats. Là aussi, je crois que c'est bien ce que nous avons fait. La première convention tripartite portait trente-trois indicateurs qui, pour la plupart d'entre eux, n'ont jamais été renseignés. La nouvelle convention tripartite n'en comporte plus que quinze. Nous sommes sûrs que la quasi totalité de ces indicateurs sont d'ores et déjà disponibles. Il en manque deux ou trois qui vont être finalisés dans les prochaines semaines. Ces quinze indicateurs portent sur la qualité de services, c'est-à-dire le retour à l'emploi, la satisfaction des offres des entreprises, les délais de réponse aux demandeurs d'emploi et la satisfaction des entreprises. Il reste néanmoins quelques indicateurs de moyens.

Enfin, concernant les services aux demandeurs d'emploi, un socle de service universel garantit aux demandeurs d'emploi un entretien physique à quatre mois, puis à neuf mois, pour prévenir le chômage de longue durée. Au-delà de ce socle d'offres de services, des services modulés en fonction des besoins de chacun des demandeurs d'emploi sont proposés avec une attention particulière portée à quelques catégories : les jeunes et les seniors notamment.

Il est également prévu un recentrage des services aux entreprises, notamment pour celles qui ne disposent pas de moyens propres de gestion de leurs ressources humaines et des moyens de Pôle emploi vers l'accompagnement des demandeurs d'emploi. L'équivalent de 2 000 emplois seront redéployés au profit de l'accompagnement, ce qui est un accroissement des moyens de 30 %, auxquels viendront s'ajouter les 1 000 emplois qui ont été décidés à l'occasion du sommet sur la crise.

Pour conclure, je mentionne deux dispositifs sur lesquels l'Unédic intervient de façon significative. En premier lieu, le contrat de sécurisation professionnelle qui a démarré le 1er septembre 2011. A ce jour, 12 000 bénéficiaires se substituent progressivement aux contrats de reclassement professionnel et aux contrats de transition professionnelle. Ce dispositif bénéficie d'un déploiement territorial extrêmement serré parce que l'Etat et les partenaires sociaux ont considéré que le pilotage local était une condition de la réussite et de la performance. Ensuite, l'activité partielle de longue durée fait l'objet d'une négociation en cours entre l'Etat et les partenaires sociaux. A ce stade, sans préjuger des conclusions de ses travaux, je vous indique que l'Unédic est en capacité financière de faire face à un redémarrage des dispositifs de chômage partiel de longue durée sachant qu'à ce jour, nous ne constatons pas dans les chiffres de réactivation de ce dispositif.

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