Il est devenu urgent de réagir à la montée dramatique du chômage et d'apporter de nouvelles garanties aux salariés face à la multiplication des licenciements boursiers qui consistent en une réduction d'effectifs décidée par une entreprise hors de toute nécessité économique ou industrielle, alors qu'elle continue à distribuer des dividendes.
Chacun se rappelle l'exemple de Michelin annonçant en septembre 1999 un bénéfice semestriel en hausse de 20 %, puis la suppression de 7 500 emplois, soit 10 % des effectifs employés en Europe. Le lendemain, son cours de bourse avait bondi de 11 % ! Dans le même esprit, les résultats très positifs de Lu-Danone, rendus publics en 2001, ont été suivis deux mois plus tard par la suppression de huit cents emplois et la fermeture de deux sites - un à Ris-Orangis et l'autre dans mon département, à Calais. Plus près de nous, le groupe ArcelorMittal - dont les profits se comptent par milliards - a abandonné à leur sort les ouvriers de l'usine sidérurgique de Gandrange malgré les promesses du Président de la République. A n'en pas douter, la fermeture de ce site symbolisera l'échec de la politique industrielle du quinquennat. Enfin, seule la logique financière aveugle explique la fermeture fin 2009 du dernier site de Molex France, alors qu'il était parfaitement rentable. Aujourd'hui, les salariés de Fralib, qui dépend de la multinationale Unilever, se battent pour sauver leur usine.
Si nous voulons stopper l'hémorragie des emplois industriels, dont cinq cent mille ont disparu en cinq ans, il est indispensable que de nouvelles règles du jeu remettent la finance au service de l'économie. Tel est l'objectif de la proposition de loi déposée par le groupe communiste, républicain et citoyen tendant à interdire les licenciements boursiers.
Ce texte tend à mettre un terme aux abus les plus criants parmi les licenciements économiques. Aujourd'hui, quatre motifs peuvent être invoqués pour justifier un licenciement économique : des difficultés économiques, des mutations technologiques, la sauvegarde de la compétitivité ou la cessation de l'activité de l'entreprise. La jurisprudence de la Cour de cassation est claire : les licenciements ne peuvent être décidés dans le seul but d'améliorer les profits ou d'accroître la rentabilité. Sur cette base, la cour d'appel de Paris a condamné Danone le 2 décembre 2010 à indemniser dix-neuf anciens salariés pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Je m'en réjouis, tout en déplorant qu'il ait fallu dix ans de procédure pour arriver à ce résultat. C'est pourquoi il faut aller plus loin.
Nous proposons une mesure efficace et réaliste interdisant aux entreprises de procéder à des licenciements économiques lorsqu'elles ont versé des dividendes au titre du dernier exercice écoulé. Cette disposition s'inspire d'une mesure figurant dans une proposition de loi que Marie-George Buffet a déposée à l'Assemblée nationale et qui a été approuvée, en juin 2009, par l'ensemble des députés de gauche. Elle n'empêcherait pas les entreprises réalisant des bénéfices de licencier, pourvu que les profits servent à financer des investissements, non à rémunérer le capital. En effet, les licenciements par anticipation peuvent parfois éviter des suppressions d'emplois encore plus importantes.
L'objectif est que les premiers efforts soient mis à la charge des détenteurs du capital, qui disposent habituellement d'autres sources de revenus, alors que l'immense majorité des salariés a besoin de travailler pour vivre.
Sans rétablir l'autorisation administrative de licenciement, nous proposons d'attribuer un nouveau pouvoir de vérification à l'inspecteur du travail, dont le procès-verbal pourrait être utilisé devant le juge pour aider les salariés à faire valoir leurs droits.
Outre l'indemnisation due aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse, l'entreprise devrait aussi rembourser les aides publiques perçues, qu'il s'agisse de subventions, d'allégements fiscaux ou d'exonérations de cotisations sociales. Cette sanction me paraît de nature à dissuader les employeurs de méconnaître la règle posée par la proposition de loi ; elle éviterait que l'argent public ne serve à enrichir les actionnaires au mépris des salariés.
Je vous invite à voter cette proposition de loi, sous réserve de deux amendements rédactionnels. Elle répond à l'attente de millions de nos concitoyens désireux de mettre un peu d'ordre et de justice dans notre marché du travail et dans notre économie. Elle constitue la première pierre d'un édifice plus vaste à construire afin que la recherche d'un dividende plus élevé cesse de l'emporter sur la défense de l'emploi et des salaires.