Intervention de Jean-Louis Carrère

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 janvier 2012 : 1ère réunion
Séminaire sur la transition en afghanistan — Communication

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président :

Je me suis rendu récemment, avec le ministre de la Défense, M. Gérard Longuet, en Afghanistan, pour passer le Nouvel an avec les militaires français et témoigner ainsi de la reconnaissance de la Nation à nos soldats. Lors de notre déplacement, nous nous sommes rendus dans les différentes bases en Kapisa, notamment à Tagab.

Je voudrais rendre hommage au travail exemplaire réalisé par les militaires français au service de la France et saluer leur courage et leur dévouement.

Nous avons également pu mesurer, au cours de cette mission, les progrès réalisés en ce qui concerne l'équipement de nos soldats et des matériels dont ils disposent, notamment par rapport au dernier déplacement que nous avions effectué dans ce pays, avec notre collègue Robert del Picchia.

Si nous avons tous été profondément émus par le récent assassinat de quatre de nos militaires et les nombreux blessés causés par un soldat de l'armée afghane, je voudrais toutefois faire part de mon étonnement face aux premières déclarations ayant suivi cet évènement dramatique, évoquant un retrait anticipé de nos militaires.

Je voudrais rappeler, en effet, que notre pays est présent en Afghanistan dans le cadre d'une mission de l'OTAN et que notre pays a accepté lors du Sommet de l'OTAN de Lisbonne en 2010, la stratégie de transition visant un retrait des forces combattantes au plus tard fin 2014 avec une poursuite de notre engagement après cette date. Toute décision devrait donc faire préalablement l'objet d'une discussion avec nos alliés au sein de l'Alliance. Je regrette cependant que la France, de même que l'Europe, ne joue pas un rôle plus important au sein de l'OTAN en ce qui concerne la stratégie en Afghanistan, notamment par rapport aux Etats-Unis.

Par ailleurs, il me semble qu'avant toute annonce précipitée, il est nécessaire de prendre en compte les différents paramètres.

L'Afghanistan reste un pays très pauvre. Or, on constate un déséquilibre important entre le coût des interventions militaires et les financements consacrés à la reconstruction et au développement du pays. Ainsi, le budget dont dispose notre ambassade pour mener des actions de coopération et de développement est très faible, de l'ordre de 15 millions d'euros par an, et, malgré toutes les qualités de nos diplomates, il ne permet pas réellement d'accompagner notre présence militaire par des actions de coopération qui pourraient susciter l'adhésion de la population. Le Président afghan Hamid Karzai nous a indiqué, lors de notre entretien avec le ministre de la défense, que sa priorité était de bâtir une armée afghane capable de mener une guerre conventionnelle. Je lui ai répondu que, selon moi, la priorité devrait être d'engager son pays dans une stratégie de développement économique, ce qui devrait prendre des dizaines d'années. Se pose aussi la question du financement des forces de sécurité afghanes après 2014. Les Etats-Unis semblent disposés à assurer un financement de 3 milliards de dollars mais il resterait un milliard de dollars, dont la charge pourrait revenir aux pays de l'OTAN.

D'autres questions essentielles, comme la lutte contre la production de drogue, le rôle des pays de la région, comme le Pakistan, doivent aussi être prises en compte.

En définitive, je crois qu'il faut se garder de toute précipitation mais qu'il faut engager une véritable réflexion avec nos alliés, les Afghans et les pays de la région, afin de réussir le processus de transition, qui permettrait un retrait de nos soldats en substituant à la présence militaire de l'OTAN une action de développement de ce pays.

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