Monsieur le président de la commission des affaires européennes, Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, Mesdames, Messieurs les sénateurs.
C'est pour moi un grand honneur d'être ici parmi vous. S'il fallait situer le pouvoir au Danemark - pays éternellement consensuel - c'est bien au Parlement, le « Folketing ». Surtout quand il s'agit des questions européennes où le Folketing, par sa Commission des affaires européennes, contrôle le Gouvernement de très très près ! Montesquieu aurait pu se sentir chez lui au Danemark. Ceci n'est pas la seule raison pour laquelle un Français s'y sentirait à l'aise tant nous avons de points en commun, surtout en ce qui concerne la construction européenne.
Dès 1789, l'Etat et les citoyens marchaient d'un même pas en Europe. Les parlements modernes sont nés de la Révolution française. Ainsi, la France est devenue un modèle universel, notamment pour le Danemark.
Que les Danois et les Français veillent précieusement sur leurs institutions démocratiques ne surprendra personne.
Pourtant, comme les Français, les Danois sont critiques vis-à-vis des institutions qu'ils ont créées avec fierté, y compris vis-à-vis des institutions européennes. Le scepticisme à l'égard de l'Europe en France et au Danemark ne signifie pas un rejet mais un engagement démocratique fort.
Nous nous ressemblons non seulement sur le plan des idées et de notre histoire, mais aussi sur le plan de nos choix de société. L'Etat providence en est un exemple.
Certes, il y a des différences.
La France est un grand pays à l'origine et au coeur de la construction européenne. Le Danemark est apparemment un petit pays qui, en plus, doit gérer des dérogations voulues par son peuple. Ou, vu d'un autre angle, une France soucieuse de protection face à la mondialisation et un Danemark davantage ouvert.
Ce qui nous sépare ne me fait pas peur, surtout pas sous notre présidence. C'est avec des arguments différents, même opposés, gérés avec la bonne méthode, que l'Europe trouvera les bonnes solutions. Je pense bien sûr à la méthode communautaire. Il est essentiel de préserver l'idée que l'Union européenne est un club où tous les pays membres ont les mêmes droits et les mêmes obligations. Je ne vois pas de risque d'un directoire à deux ou trois pays- construction qui fait penser à notre histoire lointaine -, mais je vois le risque, vous avez raison, d'une Europe à deux vitesses. Sous sa présidence, le Danemark oeuvrera pour éviter cela.
Bien sûr, nous sommes différents, mais la réponse n'est pas d'affaiblir l'Union européenne en renationalisant notre projet supranational qui a la coopération franco-allemande comme moteur le plus important. C'est souvent le moteur franco-allemand qui fait tourner les roues, mais c'est le respect des institutions qui met de l'huile dans le moteur.
Ceci n'est pas notre première présidence mais la 7ème. Le Danemark est aussi en quelque sorte la « vieille Europe ». Néanmoins, la présidence danoise est cette fois unique à un double titre. Premièrement, le traité de Lisbonne a changé la donne de la présidence tournante au niveau institutionnel. Deuxièmement, la crise actuelle pose la question de l'existence de l'Union européenne telle que nous la connaissons.
Comment la présidence danoise se situe dans ce contexte très particulier ? Il me semble que les thèmes traditionnellement chers au Danemark, comme la croissance responsable, des finances publiques saines ou le développement durable, prennent un relief tout particulier dans le débat actuel.
Notre premier objectif est que l'Europe soit économiquement responsable. Notre présidence est la première à mettre en oeuvre le semestre européen. Elle va veiller à la mise en oeuvre du « Six Pack ». Veiller aussi à se coordonner étroitement avec l'Eurogroupe pour assurer l'adoption du « Two Pack ». Pour votre information, le Gouvernement danois vient d'annoncer son souhait d'adhérer au nouveau pacte budgétaire, qui fera l'objet d'un accord le 30 janvier prochain, nous l'espérons.
Notre deuxième objectif porte sur la croissance et la création d'emploi. La présidence danoise mettra tout en oeuvre pour faire aboutir autant d'initiatives que possible parmi les douze initiatives phares de la Commission visant à moderniser le marché unique. Le marché unique est la réussite de ces vingt dernières années. Je crois que la France et le Danemark peuvent se retrouver sans difficulté sur cet objectif de renforcement. Permettez-moi de rendre hommage à M. le Président Jacques Delors. Sous sa présidence, la méthode communautaire a fonctionné à merveille. Même en temps de crise, il a su créer les conditions d'une relance de la croissance et de l'emploi.
Dans la même logique, nous faisons de la croissance verte notre troisième objectif. Une économie propre sera source de croissance et de compétitivité accrue. Un exemple concret est l'adoption d'une politique d'efficacité énergétique.
Enfin, j'aborderai notre quatrième objectif - la sécurité intérieure et extérieure de l'Europe. Les printemps arabes illustrent à quel point l'Europe ne peut pas s'ériger en forteresse et doit combiner fermeté et ouverture.
Permettez-moi de citer mon Premier ministre, Mme Thorning-Schmidt, qui, dans un discours au Parlement Européen, à Strasbourg le 18 janvier dernier, a dit : « si nous devenons introspectifs, nous deviendrons aveugles » ! En temps de crise, il est plus que jamais important que l'Union Européenne voie clair.