Intervention de Anne Dorte Riggelsen

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 janvier 2012 : 1ère réunion
Priorités de la présidence danoise de l'union européenne — Audition de Mme Anne Dorte riggelsen ambassadeur du danemark

Anne Dorte Riggelsen, ambassadeur du Danemark :

La commission des affaires européennes du Parlement danois, le Folketing, exerce très directement son contrôle sur les négociations européennes, y compris en matière de commerce extérieur. Pour chaque question, qu'elle soit d'ordre général ou très précise, cette commission établit préalablement s'il existe ou non en son sein une majorité contre. Afin de peser dans les négociations avec toute l'habileté nécessaire, cela implique que la commission se saisisse très tôt des dossiers communautaires. Avant chaque réunion du Conseil des ministres européens, le Folketing donne des mandats de négociations très précis et détaillés aux membres du gouvernement danois. En matière de commerce extérieur, cela amène le représentant danois à communiquer très en avance ses positions à la Commission européenne. C'est en quelque sorte un « soft power », qui s'exerce, en amont des décisions. Ce système peut paraître un peu rigide, mais il a l'avantage de faciliter, par la suite, la transposition en droit interne des textes communautaires : le Danemark est d'ailleurs souvent dans les trois premiers Etats membres en matière de statistiques de transposition.

Les coopérations renforcées sont un outil nécessaire dans une Europe à vingt-sept états membres, apprécié par le Danemark. D'ailleurs, la présidence danoise souhaite travailler activement sur la coopération renforcée en matière de brevet communautaire, règlementation en attente depuis 27 ans.

En matière de défense, je rappelle que le Danemark était engagé en Libye aux côtés de la coalition. Si notre pays préfère naturellement la démocratie d'influence (soft power), il sait aussi utiliser la force quand cela s'avère nécessaire, de préférence sous mandat des Nations unies. Il est vrai qu'en raison de sa dérogation en matière de défense, le Danemark n'exercera pas effectivement la présidence sur ces sujets, s'en remettant sur ces points à la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Cela ne veut pas dire que la défense sera absente des priorités de la présidence danoise de l'Union européenne.

Le gouvernement danois actuel, de centre gauche, a l'ambition de consulter la population pour mettre fin à certaines dérogations danoises, en particulier en matière de défense ; il peut sembler en effet anormal d'avoir des ambitions globales mais, pour des raisons historiques, de telles restrictions en matière européenne.

Pour répondre à M. François Marc, qui s'interrogeait notamment sur l'ambition du Danemark pour la Banque centrale européenne, j'indiquerai que le Danemark, quoique disposant d'une dérogation à l'égard de la monnaie unique, est très actif au conseil ECOFIN et a intérêt à ce que l'économie de l'Union européenne fonctionne correctement. En Europe, il ne faut peut-être pas appliquer les leçons de Keynes, mais cela ne veut pas dire qu'il faut s'interdire d'envisager tout développement dans le fonctionnement de la Banque centrale européenne : il ne faut pas être trop monétariste au niveau européen, mais il faut être sage au niveau national.

A M. Guerriau, je ferai observer que le Danemark, économie ouverte et mondialisée, n'a pas de résistance de principe à l'égard de la taxe Tobin, qu'il a toujours défendue à l'échelle mondiale. La France a travaillé dur pour faire progresser ce sujet au sein du G 20. Je peux seulement préciser que le Danemark, non pas comme pays assumant aujourd'hui la présidence du Conseil de l'Union européenne mais à titre national, éprouve la crainte que cette taxe, si elle était seulement appliquée au niveau européen, fasse perdre de la vitesse à l'Union européenne par rapport au reste du monde. Un groupe de travail a été constitué au Danemark pour préparer si nécessaire cette décision en Europe avant que la taxe soit établie au niveau mondial.

En matière de compétitivité et d'emploi, je peux dire que le Danemark est un pays heureux, mais la crise a frappé : le chômage touche 6 à 7 % de la population, ce qui est beaucoup pour le Danemark. Il est donc essentiel de développer notre capacité d'innover, surtout au niveau des PME qui sont plus adaptables. Il est délicat de repérer les secteurs qui vont permettre la croissance de demain. D'un point de vue pragmatique, le secteur « vert » semble offrir de grandes potentialités de développement et des perspectives d'emplois intéressants : c'est pourquoi le Danemark se positionne pour être l'un des premiers dans ce secteur et consent des efforts importants d'éducation et de formation pour les chômeurs.

Au sujet de la pêche, je ne suis pas en mesure de vous répondre immédiatement mais je vous apporterai l'information plus tard.

En réponse à M. Gournac, je souligne qu'effectivement les démocraties sont fragiles et qu'elles l'ont toujours été, mais nous avons oublié leur fragilité. Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons fait fonctionner nos démocraties avec de l'argent que nous n'avions pas. Nous devons maintenant les faire fonctionner avec une grande prudence financière : nous n'avons pas le choix ! Tout le monde voudrait être français, danois, européen : c'est aussi pour nous une autre manière d'être compétitifs. Les autres sont jaloux !

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