Ce principe posé, comment calculer le coefficient d'intégration fonctionnelle ?
Il devrait reposer sur une mesure objective de la mutualisation. Celle-ci est délicate à obtenir, mais l'exercice n'est pas du tout impossible. Il implique de trouver des données répondant à deux conditions.
D'abord, ces données doivent exister dans tous les territoires intercommunaux : prendre telle donnée ici et telle autre ailleurs n'aurait pas de sens ; il serait par exemple aberrant d'intégrer les données relatives à la surveillance des plages qui, par hypothèse, n'existent que dans certains territoires. C'est une évidence, voire une tautologie, que de dire que la comparaison du degré d'intégration des EPCI doit reposer sur des éléments comparables.
Ensuite, les données de calcul du coefficient d'intégration fonctionnelle doivent résulter de décisions, et donc de choix, pris par les acteurs locaux. C'est une simple question de logique : le coefficient d'intégration fonctionnelle se voulant incitatif, il serait absurde de le moduler, à la hausse ou à la baisse, en fonction de choix qui échappent aux intéressés (notamment le champ des compétences obligatoires, qui varie selon les catégories d'EPCI).
Or, il existe bel et bien des données qui répondent à ces deux conditions.
Le rapport de la délégation, en mai 2010, avait souligné que tel était le cas des dépenses de personnels affectées aux services fonctionnels ou, si l'on préfère, aux services supports : ressources humaines, finances, informatique... quelles que soient leurs compétences, quelle que soit leur situation géographique, les EPCI et leurs communes membres font appel à de tels services.
La référence aux dépenses de personnels affectés dans les services fonctionnels est peut-être encore plus pertinente aujourd'hui qu'en mai 2010, car la loi du 16 décembre 2010 en a, depuis lors, donné une définition qui permet de les identifier, répondant ainsi à la condition d'objectivité des données : « Les services fonctionnels se définissent comme des services administratifs ou techniques concourant à l'exercice des compétences des collectivités intéressées sans être directement rattachés à ces compétences ».
Les frais des personnels affectés à ces services fonctionnels sont tout à fait identifiables : ou bien un agent est affecté à plein temps dans un service fonctionnel, et les frais correspondants correspondent à son coût salarial total pour la collectivité qui l'emploie ; ou bien un agent n'est pas affecté dans un service fonctionnel, et sa rémunération n'entre pas en considération dans le calcul du coefficient d'intégration fonctionnelle ; ou bien un agent ne travaille qu'en partie pour un service fonctionnel, et l'application d'une règle de trois permet de calculer la charge relative au dit service.
Le coefficient d'intégration fonctionnelle va donc viser à une mutualisation aussi poussée que possible des services fonctionnels, dont ont besoin aussi bien les EPCI que leurs communes. Pour cela, il va servir à comparer, entre les divers territoires intercommunaux, le rapport entre :
- d'une part, ce qui a été mutualisé, c'est-à-dire tous les frais de personnels afférents aux services fonctionnels et pris en charge par l'intercommunalité (que celle-ci soit l'employeur direct ou que les personnels en question soient mis à sa disposition) ;
- d'autre part, tous les frais en question, mutualisés ou non, c'est-à-dire toutes les dépenses que les communes membres et l'EPCI, tous réunis, consacrent aux personnels des services fonctionnels.
Le coefficient d'intégration fonctionnelle serait donc le résultat de cette fraction. Une fois calculé, se pose une autre question, à laquelle répond l'article 2 de notre projet : sur quoi faire porter le coefficient d'intégration fonctionnelle ?
Celui-ci doit en effet servir à moduler, à la hausse ou à la baisse, une partie de la DGF : mais quelle partie ?
Dans la mesure où il s'agit d'inciter à la mutualisation dans le cadre intercommunal, il serait logique que le coefficient s'applique à la dotation d'intercommunalité.
Pour autant, à l'heure où le législateur essaie de développer la péréquation, il serait sans doute malvenu de toucher -surtout pour la diminuer- à la part péréquatrice.
Il est donc proposé que le coefficient d'intégration s'applique à la part forfaitaire de la dotation d'intercommunalité. Cette part sera « pondérée » en fonction du coefficient de chaque EPCI.
J'insiste, comme l'a déjà fait Jacques Mézard, sur la neutralité de notre dispositif pour les finances de l'État : c'est un système de bonus-malus dans lequel on donne moins à ceux qui mutualisent peu, et davantage, pour y encourager, à ceux qui développent la mutualisation.