Concernant la revue de la posture de défense et de dissuasion, la position de la France est ferme et le restera. Le Président de la République au Sommet de Lisbonne, tout comme le ministre d'Etat et le ministre de la défense lors des dernières réunions à l'OTAN, se sont clairement exprimés sur ce sujet.
Le nouveau concept stratégique adopté lors du Sommet de l'OTAN de Lisbonne a rappelé l'importance de la dissuasion nucléaire et le fait que tant qu'il y aura des armes nucléaires, l'OTAN restera une alliance nucléaire, et il n'est pas question pour nous de rouvrir les décisions prises lors du Sommet de Lisbonne. Il souligne aussi la contribution de la France et du Royaume-Uni dans ce domaine. La revue de la posture de défense et de dissuasion ne doit donc pas conduire, à nos yeux, à revenir sur le nouveau concept stratégique.
Je rappelle que la revue de la posture de défense et de dissuasion ne concerne que les armes nucléaires assignées à l'OTAN, et que la place de la dissuasion nucléaire dans notre doctrine de défense n'est pas en cause, puisque notre pays a fait le choix d'avoir une dissuasion totalement autonome et, naturellement, de n'assigner aucune arme à l'OTAN.
La position de certains de nos alliés favorables au désarmement n'est pas nouvelle.
Toutefois, le discours de Prague de Barack Obama sur un monde sans armes nucléaires a eu pour effet d'encourager les pays favorables au désarmement à importer ce sujet au sein de l'OTAN, alors qu'auparavant il était cantonné aux Nations unies ou aux instances de désarmement.
Or, nous estimons que sur un sujet de cette importance il serait très regrettable que l'Alliance puisse apparaître divisée.
Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer la méconnaissance de la réalité de la dissuasion, chez certains de nos alliés. J'ai d'ailleurs organisé, grâce au Vice amiral d'escadre Georges-Henri Mouton, commandant les forces sous-marine et la force océanique stratégique, un déplacement sur la base de sous-marins nucléaires de l'Ile Longue, pour tous les représentants permanents des autres pays membres du Conseil de l'Atlantique Nord, qui leur a permis de mieux comprendre la place et le rôle de la dissuasion nucléaire dans notre politique de défense.
S'agissant du programme AGS, au terme de longues négociations et malgré des pressions au plus haut niveau, la France a maintenu son refus de contribuer au financement en commun de ce programme, auquel elle n'est pas partie, en s'engageant à apporter une contribution en nature. C'est ce que fait déjà la France par exemple avec les AWACS. Comme l'a montré le retour d'expérience de la partie ISR (reconnaissance, surveillance, renseignement) de l'intervention de l'OTAN en Libye, le rôle des drones de haute altitude HALE a été relativement limité par rapport à celui des drones de moyenne altitude MALE. Je ne reviendrai pas sur le choix entre les deux types de drones MALE, puisque je sais que ce sujet a fait l'objet de longs débats au sein de votre commission. Si l'intervention de l'OTAN en Libye a montré les lacunes des européens concernant les capacités en matière de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, elle a aussi illustré l'intérêt de pouvoir disposer de la panoplie complète de moyens, qu'il s'agisse de satellites, d'avions, de drones ou de radars.
Je peux vous assurer que le successeur du général Abrial au poste de commandant allié chargé de la transformation (ACT) sera bien, le moment venu, de nationalité française. L'OTAN procède actuellement à la répartition des différents postes parmi les vingt-huit pays de l'Alliance, dans le cadre de ce que l'on appelle la procédure « flag to post », afin de prendre en compte la réforme de la structure de commandement, mais personne ne conteste à la France ce poste.
Je ne crois pas que notre capacité à défendre notre position sur des sujets essentiels comme la défense anti-missiles ou la dissuasion nucléaire ait été affaiblie par le plein retour de la France au sein de l'OTAN. Au contraire, je crois que le retour plein et entier de la France au sein de la structure de commandement de l'OTAN a permis de clarifier notre position aux yeux de nos partenaires, qui ne peuvent plus utiliser l'argument de notre positionnement particulier au sein de l'alliance pour jeter la suspicion sur nos motivations. Ainsi, lorsque notre pays joue un rôle actif dans le contrôle politique des opérations, quand il se montre exigeant en matière de réforme de l'organisation ou encore qu'il insiste sur le contrôle politique du futur système de défense anti-missiles de protection du territoire et des populations, nos alliés ne peuvent plus voir nos positions comme étant celles d'un pays qui a un pied dedans et un pied dehors de l'Organisation. Même si elle agace parfois certains de nos alliés, la voix de la France este forte et entendue au sein de l'Alliance.
Même si l'intervention de l'OTAN en Libye présente des particularités, comme d'ailleurs chaque opération, je considère cependant qu'elle constitue un tournant car, pour la première fois, des pays Européens, au premier rang desquels la France et le Royaume-Uni, mais aussi d'autres alliés, comme l'Italie, la Belgique, la Norvège ou le Danemark, ont assuré le rôle de chef de file d'une opération de l'OTAN, avec le soutien des Etats-Unis.
Alors que les Etats-Unis n'étaient pas très favorables au départ au lancement d'une telle opération, ils ont accepté son lancement devant la détermination franco-britannique et ils ont accepté que, dans le cadre de l'OTAN le rôle de chef de file soit de facto assuré au quotidien par la France et le Royaume-Uni, tant en ce qui concerne la direction politique, que la conduite des opérations, tout en apportant un soutien. Nous avons donc réussi à convaincre nos alliés américains de soutenir une opération dans laquelle il ne jouaient pas un rôle de chef de file, ce qui représente en soi une première.
Il serait toutefois exagéré de parler sur cette seule base de l'émergence d'un pôle européen au sein de l'Alliance atlantique. En effet, seuls quelques pays européens ont participé aux frappes, alors que la majorité des pays européens sont restés à l'écart de ce volet de l'opération.
Certains de nos alliés européens assistent, parfois avec inquiétude, aux évolutions des priorités américaines, qui se tournent de plus en plus vers le Moyen Orient et l'Asie, comme l'illustre la nouvelle stratégie de défense américaine.
Ils entendent les discours des responsables américains qui appellent les Européens à investir davantage et à assurer leur propre sécurité sur le continent européen.
Pour certains de ces pays l'intervention en Libye a bousculé leur conception de l'OTAN, puisqu'ils ont vu dans cette opération un rôle effacé des Etats-Unis, un déplacement du centre de gravité de l'Est vers le Sud et le déplacement du curseur de la défense collective vers la gestion de crise, de la protection vers la projection.
Pour nous, les deux approches sont complémentaires et pas opposées et nous considérons que l'émergence d'un pôle européen au sein de l'Alliance atlantique et l'approfondissement de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne ne sont pas contradictoires avec le maintien d'une étroite relation transatlantique. Au contraire, ils en assurent la pérennité.