Intervention de Jean-Louis Carrère

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 février 2012 : 1ère réunion
Accord de coopération entre la france et la bosnie herzégovine en matière de sécurité intérieure — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président :

Monsieur le Président, Mes chers collègues, La France et la Bosnie-Herzégovine ont signé, le 29 mars 2010 à Paris, un accord de coopération en matière de sécurité intérieure.

Ces négociations avaient été engagées en 2007 sur une proposition française ; notre pays, en effet, s'attache à étendre, ou à actualiser, les accords de ce type conclus avec des pays très divers.

Ainsi, dans la zone des Balkans, hors UE, la France a conclu des accords similaires avec la Serbie, la Croatie et l'Albanie. Ces deux derniers textes sont déjà entrés en vigueur.

Vous savez combien la Bosnie-Herzégovine est régie par une organisation institutionnelle complexe, établie par les accords de Dayton qui mirent un terme à la guerre qui a découlé de l'éclatement de la Yougoslavie.

Je vous rappelle qu'elle dispose de 14 gouvernements distincts pour une population de moins de 4 millions d'habitants, mais répartie en trois « peuples constitutifs » : bosniaque, bosno-croate et bosno-serbe. Mon rapport écrit en précise les éléments.

Cette spécificité politique, comme sa situation géographique, ont conduit la France à lui proposer son expertise, internationalement reconnue, pour soutenir ses moyens de renforcer sa sécurité intérieure.

Les accords de Dayton ont mis en place une tutelle internationale exercée par un Haut Représentant désigné par la communauté internationale et disposant de pouvoirs importants lui permettant de destituer les responsables politiques et d'imposer des lois. Le Haut Représentant est assisté par un Conseil pour la réalisation de la paix (PIC : Peace Implementation Council) où sont représentés la France et les Etats les plus impliqués dans la stabilisation des Balkans. Le Haut Représentant est aussi, depuis 2003, le Représentant spécial de l'Union européenne (RSUE) et coordonne à ce titre l'action de l'ensemble des acteurs de l'UE en Bosnie-Herzégovine. Le diplomate autrichien Valentin Inzko a été désigné comme Haut Représentant et RSUE en mars 2009.

L'UE dispose également sur le terrain d'une force militaire exécutive, dont le mandat a été prolongé pour un an par la résolution 2019 du Conseil de sécurité le 16 novembre 2011, EUFOR/Althéa, qui a pris la relève de l'OTAN (SFOR) en 2005.

L'Union européenne accorde à la Bosnie-Herzégovine une aide importante et, tous moyens confondus, elle est le principal donateur multilatéral. A ce titre, la Bosnie-Herzégovine bénéficie depuis 2007 du nouvel instrument de préadhésion IPA (Instrument for preaccession assistance).

Les élections générales du 3 octobre 2010 ont débouché sur une longue crise qui s'est dénouée avec l'accord politique conclu en décembre 2011 entre les dirigeants des six partis politiques, permettant l'investiture, le 10 février 2012, du gouvernement formé par M. Vjekoslav Bevanda, membre du HDZ (principale formation des Croates de Bosnie).

Ces blocages politiques ne contribuent évidemment pas à l'efficacité des institutions et notamment de la police. Or, le pays est marqué par une forte criminalité organisée transnationale, contrastant heureusement avec une délinquance de voie publique assez réduite.

La prospérité du crime organisé trouve son origine d'abord dans la faiblesse de l'Etat liée à son organisation administrative, et au morcellement des forces de police. S'y ajoutent les querelles politiques permanentes sous-tendues par des rhétoriques nationalistes fortes, et des contentieux datant de la guerre non encore apurés.

Comme dans tous les pays de post-conflit, la criminalité organisée s'explique aussi par la prolifération des armes à feu, les trafics en tous genres ou la corruption, même si cette tendance s'atténue.

Les principales formes de la criminalité sont :

- Le trafic de drogue, notamment d'héroïne et de cannabis. En 2010, 1 300 délits relatifs aux stupéfiants ont été constatés, les principales saisies opérées se montent à 28 kg d'héroïne, 1,5 kg de cocaïne, 300 kg de cannabis.

- L'immigration irrégulière et le trafic d'êtres humains restent importants, mais semblent diminuer en volume depuis la fin de la guerre en raison du départ des nombreuses troupes qui stationnaient dans le pays, de l'entrée au sein de l'UE des voisins bulgares et roumains, ainsi que de la libéralisation progressive des visas dans la région.

- Le trafic d'armes à feu constitue un secteur déclinant sous l'effet conjoint des contrôles renforcés aux frontières et des saisies. En 2010, 2 641 affaires de détention ou trafics d'armes ont néanmoins été traitées, contre 2 145 en 2009.

- La délinquance économique et financière reste importante : 1 353 infractions constatées en 2010 contre 1 270 en 2009.

Plus de 10 % des délits comportent des éléments de corruption, comme l'abus de fonction, l'abus de pouvoir, la fraude fiscale, le commerce illicite et la falsification de documents officiels.

Les infractions répertoriées sont :

- le trafic de véhicules, avec en 2010, 1 648 vols ont de véhicules ont été constatés contre 1 738 en 2009. En dépit de la baisse, ce type de délinquance reste très important.

- la contrebande de cigarettes : 46 000 paquets ont été saisis par la police aux frontières au cours de l'année 2010.

- enfin, le risque terroriste se manifeste principalement à travers la mouvance wahhabite et l'implantation de structures salafistes fondamentalistes, héritées de la guerre.

En 2009 et 2010, plusieurs interpellations de wahhabites ont été opérées, ainsi que d'importantes saisies d'armes et d'explosifs, attestant de la présence de cette mouvance sur le territoire mais n'accréditant que partiellement la thèse selon laquelle le pays constituerait une base arrière du terrorisme.

Le présent accord s'appuie sur le texte-type établi par la France en 2007, adapté à l'état de droit actuel de la Bosnie-Herzégovine, qui nécessite des garanties dans le cadre d'échanges d'informations entre les forces de chaque Etat-partie et la protection et la confidentialité des données nominatives.

Ses domaines en matière de coopération technique et opérationnelle recouvrent les principaux champs d'action de la criminalité organisée que j'ai évoqués.

Cette coopération passe par des échanges d'informations, des mesures policières coordonnées et d'assistance réciproque en personnels et matériels et des échanges de résultats, et a comme priorités la lutte contre le trafic de stupéfiants et le terrorisme. Je précise que la Bosnie-Herzégovine, consciente de ses vulnérabilités, a déjà conclu des accords similaires avec 21 pays, principalement européens.

Il convient donc que la France s'associe à cet effort. Je vous recommande donc d'adopter ce texte, et vous précise que la conférence des Présidents a prévu son examen en séance publique en forme simplifiée.

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