Intervention de Jean-Paul Fournier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 février 2012 : 1ère réunion
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la france et le liban — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Paul FournierJean-Paul Fournier, rapporteur :

Le présent projet de loi vise à approuver une convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Liban. Avant de vous présenter le contenu de ce texte, je voudrais revenir brièvement sur la situation politique du Liban et les relations franco-libanaises.

Comme vous le savez, les relations entre la France et le Liban sont anciennes. Placé sous mandat de la France après la dislocation de l'Empire ottoman, le Liban a proclamé son indépendance en 1943.

Véritable mosaïque de près de 4 millions d'habitants, avec 18 communautés religieuses (dont 31 % de chiites, 22 % de sunnites, 5 % de druzes et alaouites, 23 % de chrétiens maronites, 7 % de grecs orthodoxes), le Liban a connu de 1975 à 1990 une guerre civile particulièrement meurtrière, où se sont mêlés les luttes intérieures et les confrontations régionales.

Malgré le retrait des troupes syriennes en 2005 et israéliennes en 2006, ce pays a connu de fortes tensions politiques internes, émaillées de violences, avec notamment l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri en février 2005 et les tensions avec le Hezbollah, au sujet de la coopération avec le tribunal spécial pour le Liban, chargé de faire la lumière sur cet attentat.

Après la démission du gouvernement d'union nationale, un nouveau gouvernement a été formé en janvier 2010, avec à sa tête Nagib Mikati, qui vient d'ailleurs d'effectuer une visite officielle en France du 9 au 11 février dernier. A cette occasion, le Premier ministre M. François Fillon a rappelé l'importance que la France accorde à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale du Liban.

L'aggravation de la situation en Syrie risque toutefois d'entraîner des tensions au Liban, notamment entre les Sunnites, solidaires de l'opposition syrienne, et les alaouites et chiites du Hezbollah pro-Damas. Il y a quelques semaines, des affrontements au Liban auraient fait plusieurs morts.

Par ailleurs, les attentats qui ont visé les contingents italien et français de la FINUL, respectivement en mai et en juillet 2011, montrent que le risque existe d'une reprise du « terrorisme d'Etat », contrôlé directement ou indirectement par la Syrie, via notamment le Hezbollah.

Je rappelle 23 000 Français résident au Liban et 210 000 Libanais vivent en France.

En matière économique, la France est le 5e fournisseur et le 6e client du Liban. La France est également l'un des principaux bailleurs de fonds du Liban. Pour la période 2008-2012, la coopération française représente en moyenne plus de 110 millions d'euros par an, dont 90 % de prêts. L'Agence française de développement est particulièrement active dans le soutien au secteur productif, le développement des infrastructures, le domaine de l'eau et de l'assainissement.

Dans le domaine culturel, notre coopération porte principalement sur les aspects linguistiques et de formation. Il existe six écoles françaises conventionnées et vingt-sept établissements homologués, scolarisant 43 000 élèves.

Un accord de coopération militaire a été signé en 2008. Cet accord inclut notamment des actions de formation, une aide en matériel et un soutien en maintenance de l'armée libanaise.

J'en viens maintenant au contenu de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale, sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer.

La présente convention a pour objectif d'améliorer l'entraide judiciaire pénale entre la France et le Liban. Actuellement, il n'existe aucun dispositif qui régit la coopération judiciaire pénale entre la France et le Liban. Cela entraîne des difficultés car il arrive souvent que les demandes d'entraide judiciaire adressées par les juges français aux autorités libanaises soient exécutées avec retard, voire ne reçoivent aucune réponse.

Depuis 2000, la France a adressé 60 demandes d'entraide judiciaire aux autorités libanaises. A ce jour, onze sont en attente de réponse. Sur la même période, le Liban a adressé dix-huit demandes à la France. A ce jour, une seule reste encore en cours d'exécution. De nombreuses demandes d'entraide adressées par les autorités françaises concernent des faits de délinquance financière : escroqueries, abus de biens sociaux ou abus de confiance.

Lorsque des identifications bancaires ou des gels d'avoirs sont sollicités par les magistrats français, les autorités libanaises demeurent généralement silencieuses, obligeant nos juridictions à multiplier les lettres de relance. S'ajoutent à cette attitude passive, un mauvais système de lutte contre le blanchiment et un manque de formation des magistrats libanais sur ces contentieux spécifiques.

Depuis 2005, le secret bancaire a ainsi été opposé une vingtaine de fois pour justifier l'inexécution de demandes françaises. Il l'a notamment été dans le cadre du dossier dit « Thales International » instruit par le juge Renaud Van Ruymbeke.

Le texte de l'accord est relativement « classique » car il reprend les éléments des différents instruments internationaux, notamment du Conseil de l'Europe. La principale avancée porte sur le domaine fiscal. En effet, le secret bancaire ne pourra plus être invoqué comme motif de rejet d'une demande, sauf si celle-ci apparaît de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels. Il en va de même en matière bancaire, où la convention apporte des améliorations, qu'il s'agisse de l'identification des comptes, de la description ou du suivi des transactions.

La principale difficulté des négociations a porté sur la peine de mort, qui est prévue par le code pénal libanais.

Le Liban a appliqué un moratoire sur les exécutions capitales entre 1998 et 2004. En 2004, trois condamnés à mort pour meurtre ont été pendus. Depuis cette date, aucune exécution n'est intervenue, mais quarante-cinq détenus sont actuellement sous le coup d'une condamnation à mort.

La convention prévoit que l'exécution de la demande d'entraide pourra être refusée par l'Etat requis si elle est de nature à porter atteinte à son ordre public ou à d'autres intérêts essentiels. Cela permettra à la France de se conformer à sa pratique habituelle consistant à refuser toute coopération en présence de faits passibles de la peine de mort, afin de répondre aux exigences constitutionnelles et à nos engagements internationaux.

En conclusion, je vous proposerai donc d'adopter ce projet de loi et je vous recommanderai une adoption selon la procédure simplifiée.

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