Intervention de Andrea Enria

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 février 2012 : 1ère réunion
Régulation bancaire et financement de l'économie — Table ronde

Andrea Enria, président de l'Autorité bancaire européenne :

En ce qui concerne l'ABE, nos recommandations visent à faire respecter les règlements par les autorités nationales, ce à quoi elles se sont toutes engagées. Chaque autorité nationale disposera d'instruments adéquats pour inciter les banques à respecter les règlementations d'ici au 30 juin 2012. Si ce délai n'est pas respecté, il y a des instruments de rectification au niveau national qui interviendront. Il y a une énorme pression qui pèse sur les banques pour qu'elles soient recapitalisées. Le Conseil européen, en juillet 2011, a dit clairement que le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pouvait également être utilisé pour recapitaliser les banques. Si dans un pays les banques ne réussissent pas à atteindre le niveau de capitaux requis d'ici à la fin du mois de juin prochain, et j'espère que cela ne sera pas le cas, les Gouvernements pourront s'engager à soutenir les banques et si elles n'ont pas les ressources suffisantes, le FESF pourra les recapitaliser et les renflouer. Je suis sûr, par ailleurs, que nous arriverons à tenir ce délai.

Je voudrais revenir sur la question de l'harmonisation. Je partage les préoccupations exprimées par M. Pérol, à propos de la renationalisation éventuelle des marchés. Cela me semble une situation paradoxale. Beaucoup de ressources ont afflué vers les banques irlandaises, portugaises, la recapitalisation des banques grecques est à présent adoptée avec 6 milliards d'euros provenant des fonds européens et nous bénéficions également d'un soutien très important de la BCE. Il y a quand même un processus de renationalisation, de rapatriement des crédits et des actifs financiers. A la fin de ce processus, nous pourrions constater que ce marché unique est segmenté, fragmenté en secteurs nationaux, bien plus qu'auparavant. C'est un véritable risque que notre autorité prend très au sérieux. Madame Nouy fait partie d'un groupe de travail de haut niveau qui s'est penché sur le problème transfrontalier. S'il y a un conflit entre le pays d'accueil et le pays d'origine, un processus de médiation peut être enclenché pour trouver une solution.

Une question intéressante concerne la confiance que l'on peut avoir dans les banques. Cette confiance peut-elle provenir de la réglementation que nous mettrons en place ou des mesures de soutien ? Je souhaiterais dire tout d'abord que les mesures qui ont été adoptées par la BCE, et qui ont été accueillies positivement par tout un chacun, ont été les bienvenues. Il nous paraît important de donner aux banques un accès illimité aux liquidités afin de supprimer le risque systémique provenant de la crise des dettes souveraines. Pour autant, les banques, qui sont maintenant soutenues grâce à cet accès illimité aux liquidités à bas coût, doivent être incitées à améliorer leur capitalisation. Les deux choses vont de pair, ce sont les deux côtés de la même médaille et ces deux éléments permettent de retrouver la confiance dans le secteur bancaire. Nous constatons que le marché du financement est quelque peu rouvert et que la situation, bien qu'elle reste très fragile, s'améliore progressivement.

Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit par Madame Nouy en ce qui concerne la séparation entre la banque de détail et la banque d'investissement. J'ai personnellement commencé ma carrière en tant que superviseur, en Italie, à une époque où nous avions essayé de supprimer les barrières entre les secteurs bancaires. La principale erreur commise dans certains pays a été que, lorsque ces barrières structurelles ont été supprimées, le contrôle prudentiel n'a pas suffisamment été renforcé. Je pense toutefois que nous devrions garder l'esprit ouvert à cet égard et je reprends ce qui a été dit par le professeur Dominique Plihon, à savoir qu'il ne faut pas éluder ces questions.

Le commissaire européen Michel Barnier a créé un groupe de travail de haut niveau présidé par un gouverneur finlandais pour traiter de ces sujets. Nous ne devrions pas permettre que cette séparation entre les secteurs bancaires aboutisse à une séparation entre une partie qui serait bien réglementée et une partie qui le serait bien moins, ce qui nous conduirait au désastre. Nous avons vu que la crise systémique concernait les secteurs de la banque d'investissement et du « shadow banking ». Nous devrions mettre en place une supervision pour tous ces secteurs.

Je voudrais aborder un dernier point. Je suis partisan d'une harmonisation maximale. Nous avons récemment identifié quatre secteurs dans lesquels existent des différences de traitement concernant l'application de la même législation communautaire dans les pays européens. Pour une même banque, pour un même bilan, si on calcule le ratio de capitalisation suivant les différents traitements bancaires, on peut avoir, pour la même banque, un ratio qui varie de 7 % dans un pays à 10 % dans un autre pays. Il faut « accorder les violons » en ce qui concerne le mode de calcul pour éviter d'aboutir à des modes de réglementation et de ratio différents. Si on compare des poires et des pommes, nous n'arriverons pas à déterminer le bon niveau de capitalisation.

Je reprends ce que disait le professeur Plihon, nous devons avoir les mêmes règles, avec une certaine souplesse. Remontons quelques années en arrière, avant la crise. J'aurais bien aimé que certaines banques irlandaises ou portugaises soient confrontées à des exigences de capitalisation plus élevées, nous aurions ainsi évité la bulle. Actuellement, dans la proposition CRD IV, il y a des règlements qui permettent aux pays de remonter le niveau de fonds propre au-delà du niveau réglementaire. Si un pays respecte les règlements alors qu'un autre ne les respecte pas, il ne faut pas que tout le marché européen en subisse les conséquences. Nous devons donc avoir des règles harmonisées, avec une certaine marge de manoeuvre, une certaine souplesse, qui doivent s'exercer dans un cadre réglementaire européen.

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