Intervention de François Pérol

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 février 2012 : 1ère réunion
Régulation bancaire et financement de l'économie — Table ronde

François Pérol, président du directoire de BPCE :

Je vais répondre en deux mots sur FATCA. Il s'agit d'une règle extraterritoriale. Elle soulève donc des difficultés en termes de réciprocité pour les autorités nationales et européennes. C'est un point qui ne relève pas de notre compétence, mais qui me semble être très important sur le plan des principes. L'application actuelle de la règle, qui est en cours de révision par les autorités américaines, aurait des conséquences sur nos systèmes d'information très disproportionnées par rapport au nombre de nos clients qui seraient concernés. Nous préférerons nous passer de ces clients plutôt que d'appliquer la règle, si les modalités d'application ne sont pas changées. Sur la question de M. Bizet en matière d'harmonisation maximale, je maintiens que c'est une meilleure solution et que la surenchère réglementaire, dont Danièle Nouy a dit à juste titre qu'elle était parfois un peu étrange, n'est pas la bonne solution pour l'Europe.

Le regard porté par les marchés sur les banques a été extrêmement négatif, à mon avis pour trois raisons :

- les conséquences de la réglementation et l'incertitude réglementaire, point qui n'est pas forcément négatif, mais le taux de rentabilité des banques chute par rapport à une exception historique et cela a des conséquences sur la valeur des actifs ;

- la perte de confiance des Etats dans la zone euro avec des conséquences immédiates et extrêmement fortes sur les banques car les marchés établissent un lien entre les Etats et les banques ;

- pour les banques françaises, le retrait des financements en dollar.

Aujourd'hui, l'incertitude réglementaire n'a pas complètement disparu, l'incertitude sur la zone euro est un peu moins forte et le marché a constaté que les banques françaises se sont adaptées au retrait des financements en dollar.

Je souhaite faire quelques remarques sur la séparation des activités. Des banques de détail, des banques d'investissement, des banques dont les activités étaient séparées, comme Dexia, ont eu de grandes difficultés ; le risque n'est pas du tout absent de la banque de détail, contrairement à ce que l'on entend parfois. A mon sens et de mon expérience, rien ne remplacera une bonne supervision, y compris le développement de la supervision macro-prudentielle. La situation des banques françaises, que je considère comme bien meilleure que celle d'autres pays, s'explique, en partie, par une bonne supervision.

Je pense qu'il est également important de tenir compte des spécificités de notre modèle. Quand les Anglais ou les Américains réfléchissent, ils tiennent d'abord compte de l'Angleterre ou des Etats-Unis et ensuite du reste du monde. Si nous pouvions éviter de vouloir le bien du monde entier en massacrant notre industrie bancaire, j'apprécierai ! Je citerai un exemple : il y a en France des groupes coopératifs, mutualistes, qui n'existent pas en Angleterre. Filialiser la banque de détail pour ces groupes, qui représente en France environ 70 % du marché, est un grave souci. Quand les Britanniques font Vickers, ils n'interdisent aucune activité aux banques car ils soutiennent la City. Quand les Américains font Volcker, ils disposent d'un « shadow banking » extrêmement développé. En un mot, ils réfléchissent pour eux ; réfléchissons d'abord pour nous ! Nous devons veiller à ne pas avoir raison tout seuls, car pour la banque de grande clientèle, la concurrence est rude.

Les banques françaises ne refusent pas le débat. J'ai fait à titre personnel, cela n'engageait pas la Fédération bancaire Française, une proposition qui consiste à demander aux banques de développer leurs activités de clientèle et de ne pas développer leurs activités pour compte propre. Je ne crois pas au risque du développement du « shadow banking » en France, ni même en Europe continentale, car l'écosystème ne le permet pas. Je ne connais pas de hedge fund très développés en France, ni même en Europe continentale, exceptés la Suisse, le Luxembourg et le Royaume-Uni. Il faut concentrer les activités des banques de collecte et de dépôt sur les activités de clientèle - crédit et dépôt -, accepter le débat et ne pas diaboliser les activités de clientèle de marché car l'Etat et les entreprises ont besoin des marchés et en auront encore plus besoin avec la réglementation de Bâle III. Quand nous faisons une couverture de change sur EADS, quand nous travaillons avec l'Etat comme spécialiste des valeurs du Trésor, quand nous faisons une émission obligataire pour le compte d'une grande entreprise, nous faisons une activité utile. Nous avons besoin d'être « teneurs de marché », acheteurs et vendeurs, d'être présents sur le marché. Si nous n'y sommes pas, nous ne sommes pas capables de faire des bons prix, de conseiller utilement nos clients. Nous avons des positions de marché, nous les gérons avec une certaine intention de gestion et avec des limites. Il faut tenir compte de ce qui existe, que des grands clients français ont besoin d'être servis par des banques françaises. Il ne faut pas abandonner cette industrie au prétexte qu'elle serait malsaine : elle a une utilité économique. Le jour où la France, l'Etat et les grandes entreprises pourront se passer des marchés, nous réfléchirons différemment, ce n'est pas aujourd'hui le cas.

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