Intervention de Rachel Silvera

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 29 mars 2012 : 1ère réunion
Femmes et travail — Audition de Mme Rachel Silvera économiste maître de conférences à l'université paris ouest-nanterre-la défense chercheuse associée au ces-matisse-paris-sorbonne

Rachel Silvera, maître de conférences à l'université Paris Ouest-Nanterre-La Défense, chercheuse associée au CES-Matisse-Paris-Sorbonne :

Je vous remercie pour vos remarques.

Concernant l'évolution technologique, j'ai relevé que le compte rendu de l'une des auditions de la délégation, celle de Mme Linhart, expose comment les femmes servent parfois de terrains d'expérimentation.

La notion de compétence invisible n'est pas nouvelle et apparaît dans l'industrie.

Ainsi, les premières femmes qui ont travaillé dans l'industrie automobile ont été affectées à des tâches de sellerie ou de câblerie dans lesquelles leur CAP couture trouvait à s'employer mais sans que ce diplôme ne soit cependant reconnu par les conventions collectives de la métallurgie dont dépend le secteur automobile. Certes, ces conventions leur garantissaient, par ailleurs, un salaire minimal mais ces salariées ne bénéficiaient cependant pas du niveau de rémunération que la grille conventionnelle garantissait à un CAP technique reconnu.

Ainsi, l'industrie tirait parti des compétences reconnues par un CAP textile sans être disposée pour autant à les rémunérer à leur juste valeur.

Il faut remettre du sens et de la valeur dans un certain nombre d'emplois vitaux pour nos vies (aide à domicile, éducation, santé) mais qui demeurent peu valorisés et non reconnus dans notre société, sans que le contexte économique puisse véritablement le justifier.

Les nouvelles technologies induisent aussi une présence au travail moins visible. Le risque est donc à terme de voir une partie de ce travail invisible non reconnu, pour les hommes comme pour les femmes.

Concernant la structure du guide que nous élaborons, plusieurs propositions ont été soumises à l'issue d'auditions menées pendant deux années sur toutes les dimensions liées aux classifications, aux critères mais aussi des disciplines comme la psycho-dynamique du travail.

Par ailleurs, nous avons examiné deux exemples de conventions collectives, celle des assurances et celle du commerce.

Une fois achevé, ce guide proposera une réflexion d'ensemble sur des expériences étrangères, un outil juridique comportant la jurisprudence nationale et européenne qu'il faut pouvoir utiliser, ainsi qu'une entrée par critères.

Ce guide se veut transversal ; d'ailleurs, quand on parle des emplois à prédominance féminine et qu'on aborde notre thématique, il s'agit en général d'emplois et de critères qui sont transversaux. L'exemple typique, ce sont les assistantes que l'on retrouve aussi bien dans l'industrie que dans les services.

Il est difficile d'évaluer la valeur de ces compétences quand elles sont présentes dans des branches différentes.

Pour cela, nous partirons de chaque critère et examinerons quels seraient les biais éventuels qui peuvent y être rattachés. Ce guide ne retient donc pas une entrée par métier mais privilégie une vision plus large, par critère.

On part des critères existants dans les classifications et on montre, pour chaque critère, à travers des exemples pris dans différentes branches, quels sont les oublis ou une survalorisation entraînant un positionnement différent si ce critère n'est pas bien pris en compte.

Ces critères sont en général au nombre de 4 ou 5 dans les classifications, par exemple, le diplôme, la technicité, la responsabilité.

La loi « Roudy » de 1983 définit 5 critères de la valeur comparable : le diplôme, la technicité, la capacité professionnelle, la responsabilité, la charge mentale et physique. Il est préférable de ne pas multiplier les critères, mais des sous-critères pourront, le cas échéant, être rattachés aux critères principaux. Il sera nécessaire de recourir à nouveau à la loi en ce domaine.

Depuis la loi « Génisson » de 2001, il est prévu d'intégrer l'égalité partout notamment dans les classifications professionnelles, et l'accord interprofessionnel de 2004 demande que la valorisation des compétences pour les emplois soit prise en compte.

Malheureusement, aucune de ces mesures n'a été appliquée en France. La notion de compétence a été préférée à celle de qualification. On constate que, dans la pratique, la rémunération d'un salarié n'est pas déterminée par rapport à une classification mais de façon empirique et subjective.

L'article L. 3221-4 du code du travail dispose pourtant que « Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».

On a ce cadre mais il faut lui donner du contenu pour fournir des éléments aux négociateurs.

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