La loi du 11 février 2005 est le cadre des différentes politiques visant à mieux intégrer dans notre société les personnes en situation de handicap, que ce soit en matière d'accessibilité, de scolarisation, d'emploi, ou de compensation. Encore faut-il que ce texte soit effectivement mis en oeuvre, difficulté à laquelle nous sommes tous confrontés.
Cette loi étant le point de départ de la politique du handicap pour de nombreux acteurs sociaux, un certain temps était sans doute nécessaire pour qu'ils se l'approprient. Mais tous les efforts n'ont sans doute pas été faits pour faire prendre conscience de la nécessité d'une large mobilisation ; la politique du handicap concerne tous les ministères, elle touche tous les âges et toutes les situations de vie.
De façon plus spécifique, la question des ressources est pour nous un sujet important dont la loi de 2005 s'est assez peu préoccupée. Je rappellerai notre revendication dans le cadre du collectif « Ni pauvre, ni soumis » d'un revenu d'existence pour les personnes qui ne peuvent pas, ou plus, travailler ; il s'agirait en fait de sortir l'allocation adulte handicapé (AAH) du champ des minima sociaux dans la mesure où le mécanisme actuel rend dans les faits la personne handicapée dépendante de son conjoint, puisque l'allocation est déduite des revenus de ce dernier. Ceci est contraire à l'idée d'autonomie financière.
L'accès aux soins est un autre problème, de plus en plus aigu. Le montant de l'AAH étant fixé quelques euros au-dessus du seuil de la couverture médicale universelle (CMU), aucune personne handicapée ne peut en principe bénéficier de cette dernière. Si certaines peuvent disposer de la CMU-Complémentaire, le taux des personnes handicapées qui y ont recours n'est passé que de 7% à 15% en sept ans -mais tous sont en revanche touchés par les franchises médicales et autres limitations.
Nous dressons donc un bilan mitigé de la loi, pour le vote de laquelle notre association s'était fortement mobilisée. Certes l'APF reconnait des avancées dans nombre de domaines, mais elle regrette le manque d'impulsion politique, l'absence de dispositifs relatifs à la formation des enseignants ou celle de l'agence de l'accessibilité universelle -promise aujourd'hui par les deux principaux candidats à la présidentielle, mais qui aurait pu voir le jour à la suite de la loi de 2005.
A propos des allocations, la prestation de compensation du handicap (PCH) - ne permet pas aujourd'hui de couvrir tous les besoins. Notre association s'efforce d'obtenir son élargissement à toutes les aides domestiques et la prise en compte du droit à la parentalité, les parents en situation de handicap ne bénéficiant aujourd'hui d'aucune aide pour leurs enfants. Le périmètre de la PCH étant restreint, environ 100 000 bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) refusent d'en demander le bénéfice alors qu'elle ne pourra être véritablement évaluée que lorsqu'elle sera généralisée. Encore faudrait-il que les bénéficiaires de l'ACTP ne subissent pas de perte financière en optant pour la PCH ; or les conditions de son attribution sont variables, les bénéficiaires de l'ACTP sont exclus des autres éléments de compensation, mis à part l'aide humaine. Dans certains départements, ils ne peuvent pas non plus faire appel au fonds de compensation pour les aides techniques, ce qui est choquant et revient à dire que pour eux, la loi de 2005 n'a apporté aucune amélioration ; leur situation s'est même parfois dégradée.
Les tarifs et plafonds de la PCH sont trop bas, ce qui amène les handicapés à renoncer à certaines aides, des plans personnalisés de compensation étant même revus à la baisse dans le cadre des premiers renouvellements de PCH au motif que les précédents étaient « trop généreux » ! Or, le montant de la PCH ne permet de financer ni les prestataires agréés, ni les auxiliaires de vie en emploi direct. Nous craignons la disparition des fonds de compensation, l'Etat ayant pris prétexte de l'existence de reliquats pour ne plus les abonder -ce qui décourage les autres partenaires de continuer à le faire.
La loi Blanc du 28 juillet 2011 a largement pris en compte les besoins d'amélioration des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), mais nous jugerons son résultat à l'usage. Notons toutefois que certains de ces établissements se sont transformés en maisons de l'autonomie, accueillant un nombre croissant de personnes âgées et diminuant corrélativement la place des personnes handicapées. Notre association milite pour une convergence par le haut, qui améliore simultanément les conditions de vie des deux publics.
En matière d'accessibilité universelle, le délai de dix ans était raisonnable, mais on n'a pas mis en place les dispositifs permettant de le respecter, certains intervenants ayant attendu très longtemps alors que l'obligation date non pas de 2005 mais de 1975... Si toutes les mesures avaient été prises depuis cette date, nous n'en serions pas là.
En matière d'emploi, il est scandaleux que l'Education nationale soit exemptée de sa contribution au Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), au motif que le ministère embauche des auxiliaires de vie scolaire (AVS), ce qui est à nos yeux un détournement de l'esprit de la loi.
Le taux d'emploi est de 2 % dans le secteur privé et de 4% dans le secteur public. On est encore loin de l'objectif des 6 % que certains voudraient ramener à 4 ou 5 %, ce à quoi nous sommes opposés, de même qu'à la proposition de certaines organisations patronales d'inclure les aidants familiaux dans ce quota. Toutes les administrations et entreprises qui se sont engagées dans l'embauche de personnes handicapées en sont satisfaites et leur exemple devrait être suivi.
Enfin, si la Conférence nationale du handicap de juin 2011 a été une réussite quant au message qu'elle a permis d'adresser à l'ensemble de la société, on peut regretter que le rapport du gouvernement se soit contenté de reprendre les thèmes abordés alors, et non de traiter de la politique du handicap dans son ensemble.
La gouvernance est le véritable problème de la politique du handicap. Dans l'idéal, il faudrait un ministère d'Etat transversal ou, à défaut, un haut commissaire rattaché directement au Premier ministre, capable de mobiliser l'ensemble des administrations, ce que l'actuel Comité interministériel du handicap (CIH) est bien en peine de faire - la personnalité de son responsable n'étant pas en cause.