Intervention de Régis Aubry

Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 29 février 2012 : 1ère réunion
Droits des malades et à la fin de vie — Audition de M. Régis Aubry président de l'observatoire national de la fin de vie

Régis Aubry, président de l'Observatoire national de la fin de vie :

Que l'on ait tant tardé n'a rien de surprenant, car il est très difficile de modifier quoi que ce soit au cursus des études de médecine ! J'espère que la réforme imposée par les accords de Bologne sera l'occasion d'introduire une formation aux soins palliatifs. Nous aurons besoin de votre soutien, car la communauté hospitalo-universitaire est sceptique ! Nous n'avons pas besoin d'enseigner aux futurs médecins le texte de la loi, mais de leur apprendre à aborder de manière rigoureuse les problèmes éthiques. Si nous savons faire beaucoup, est-ce une raison de le faire ? L'objet principal de la médecine doit-il être de prolonger la vie ? Comment se comporter face aux apories liées aux limites des savoirs ? Les médecins ne sont pas non plus formés à la communication avec les malades, dont on prétend pourtant défendre les droits et entendre la parole.

Face à la fin de vie, il faut travailler de manière plus transversale et collégiale : une infirmière en sait souvent beaucoup plus qu'un médecin sur un patient, et devrait avoir son mot à dire.

Le grand public est mal averti. Selon un sondage publié il y a près d'un an, 76 % des Français ignoraient qu'une loi - pour dire les choses simplement - interdisait l'acharnement thérapeutique ! La question de la fin de vie est abordée lorsque les gens tombent malades ; en revanche, les sondeurs n'interrogent que les bien-portants. Il faudrait un débat public pour éclairer chacun sur la loi de 2005, ses mérites et ses limites. Car aucune loi n'est parfaite. Dans deux pays voisins où l'on a dépénalisé l'euthanasie, les résultats sont très différents : en Belgique, on estime que la moitié des euthanasies se pratiquent hors du cadre légal, un tiers sur des personnes qui n'ont rien demandé. Or, s'il doit y avoir débat, il ne doit évidemment porter que sur l'euthanasie répondant à une demande : il serait dangereux d'autoriser à décider pour autrui. La loi belge fixe des critères rigoureux, mais la sédation en fin de vie, de plus en plus fréquente, permet d'y échapper. Aux Pays-Bas en revanche, dans un pays de culture voisine, les euthanasies pratiquées hors du cadre légal sont rares. C'est sans doute lié au fait que le débat public y a duré douze ans, contre moins d'un an en Belgique !

Il est d'autant plus nécessaire d'avoir sur ce sujet un débat éclairé que le terrain est volcanique et la caricature facile. L'Observatoire s'efforce d'avoir une approche non partisane, aussi factuelle que possible. Notre rapport a été critiqué de tous côtés, ce qui est peut-être bon signe !

Pour l'avenir, je ne réclame pas de moyens financiers supplémentaires, mais je souhaite que le champ opérationnel de l'Observatoire soit élargi, afin qu'il puisse lui-même faire des recherches pour alimenter le débat. Marie de Hennezel qui en a démissionné lui reprochait de ne pas aller sur le terrain, mais il ne pouvait pas sortir du rôle qui lui avait été assigné ! Cette année, nous nous concentrerons sur la fin de vie à domicile, les soins qui y sont apportés et le vécu des malades. Les données étant très rares, il faudra nous atteler nous-mêmes à la tâche.

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