Intervention de Bernard Lacharme

Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 29 février 2012 : 1ère réunion
Droit au logement opposable — Table ronde avec les représentants d'associations et d'institutions membres du comité de suivi de la mise en oeuvre du dalo

Bernard Lacharme, HCLPD, rapporteur du comité de suivi de la loi Dalo :

« Monsieur le Président de la République, faites enfin appliquer la loi Dalo » ! Le président nous a reçus une fois, rapidement, en octobre 2007, nous en étions ravis, mais ne l'avons pas revu depuis ! Nous n'avons jamais été reçus par le Premier ministre. Nous avons quelquefois eu l'occasion d'échanger avec des parlementaires et nous vous remercions de cette nouvelle occasion qui nous est donnée. Monsieur Etienne Pinte organise tous les ans un colloque à l'Assemblée pour évaluer l'avancée du Dalo. Ce n'est pas par hasard que le Parlement a prévu la remise de notre rapport aux plus hautes autorités de l'État : Monsieur Benoist Apparu ne détient pas seul les clés de l'entrée du droit opposable dans les faits.

Le Haut comité a proposé en vain, de 2002 à 2006, de rendre le droit au logement opposable. Il a fallu attendre l'élection présidentielle et les manifestations associatives pour qu'il soit entendu. Nous avons toujours dit que la responsabilité de la mise en oeuvre de ce droit fondamental appartenait à la puissance publique. On sait qui est responsable du droit à la scolarité. Il en va autrement du droit au logement, dont la garantie est inscrite dans la loi Besson : tout le monde est responsable, donc personne n'est responsable ! Les compétences sont éclatées entre les communes qui ont des compétences majeures en matière d'urbanisme, de préemption, etc. L'intercommunalité qui a un rôle croissant en matière d'habitat, les départements, pour les plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées, et l'État. Nous avons accepté le projet en raison de l'inscription, par défaut, de la responsabilité de l'État dans la loi. Mais la question de l'efficacité demeure ouverte dans la mesure où l'État ne possède pas tous les leviers. Pour nous, le Dalo doit être un levier pour répondre aux besoins de ceux qui sont en difficulté et, au-delà, pour mener une politique mettant en adéquation l'offre et la demande.

Il faut traiter le problème de la gouvernance territoriale. Lorsque nous avons proposé d'instaurer ce droit au président Jacques Chirac, nous lui suggérions d'ouvrir d'abord un débat national puis de nous mettre d'accord sur la gouvernance. La loi est arrivée brutalement, dans l'urgence. Nous avons considéré qu'elle nous permettait d'avancer, avec une responsabilité à l'égard du citoyen, illustrée par l'instance du recours amiable et du recours contentieux devant le tribunal administratif, qui fonctionne, mais restait la question pendante de l'organisation du territoire, qui ne constitue pas un obstacle rédhibitoire partout, puisque la loi est appliquée sur 75 % du territoire. Il faudrait selon nous renforcer les pouvoirs de l'intercommunalité par rapport aux maires.

En Île-de-France, nous sommes en échec, parce que nous n'avons pas tranché la question de la gouvernance. Le sujet déborde largement les compétences du ministre du logement. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons voulu un premier rapport dès 2007. Nous disions qu'il fallait une deuxième loi, nous le disons encore aujourd'hui pour se donner les moyens d'appliquer effectivement le Dalo.

Autre obstacle majeur, sur le terrain : la loi n'est pas assumée par le gouvernement. Respecter la loi, ce n'est pas seulement prendre les décrets et les textes d'application. C'est aussi reloger telle personne dont la commission de médiation a estimé qu'elle devait l'être sous trois ou six mois. Notre précédent rapport était intitulé : « L'État ne peut pas rester hors-la-loi ». Il est encore plus d'actualité, un an après, peut-être encore davantage sur certaines parties du territoire. Nous touchons là aux limites du droit. Quand l'État choisit de ne pas appliquer cette loi, en dépit des décisions de justice, nous nous heurtons à un problème majeur. C'est ce qui incite à nous faire entendre dans cette nouvelle période électorale. Le logement est à l'ordre du jour, ce qui est plutôt une bonne chose. Ce n'était pas le cas il y a quelques mois. Mais l'on n'entend guère parler du droit au logement. Attention à ne pas réitérer l'argument qu'on nous opposait entre 2002 et 2006 : il fallait attendre que l'on construisît suffisamment de logements pour appliquer le droit ! Ce droit fondamental de la personne humaine n'a pas à être mis en balance avec je ne sais quelle contrainte ! Ce droit de l'homme, à la base du pacte républicain, nous oblige. D'autant plus que l'on régresse sur certaines parties du territoire.

La situation de certains territoires est inacceptable. On ne peut se contenter d'affirmer qu'il faut construire davantage de logements. Aujourd'hui, des gens désespérés, déclarés prioritaires par la commission de médiation, restent sans logement, dans des conditions indignes. Il est faux de dire que l'on n'a pas les moyens d'agir : on ne s'est pas donné les moyens. En Île-de-France, il y a 12 000 prioritaires par an. On attribue 75 000 logements sociaux par an. Je sais que ce n'est pas facile, j'entends ceux qui disent qu'ils ont beaucoup de logements sociaux et qu'on ne peut concentrer les personnes en difficulté sur leur territoire. Il faut diversifier. Nous avons ainsi proposé un plan d'urgence pour mobiliser les logements du parc privé. Nous avons réclamé un plan d'urgence pour 9 000 logements par an pour l'Île-de-France qui permettrait d'alléger la charge du logement social. Le Conseil économique, social et environnemental a aussi fait des propositions. Aucune n'a été reprise !

Il faut saisir le débat de la prochaine mandature pour améliorer la gouvernance et ce qui doit l'être. Il faut dire si oui ou non le gouvernement et le Parlement ont l'obligation de mettre en oeuvre le droit au logement en France.

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