Intervention de Jean-Baptiste Eyraud

Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 29 février 2012 : 1ère réunion
Droit au logement opposable — Table ronde avec les représentants d'associations et d'institutions membres du comité de suivi de la mise en oeuvre du dalo

Jean-Baptiste Eyraud, président du DAL :

Depuis 2003-2004, nous défendons, avec les personnes qui sont à mes côtés, le Dalo. La loi que nous avons demandée a été promulguée. Quelques jours avant l'adoption de la loi Besson du 31 mai 1990, j'ai rencontré le Président David Assouline, place de la Réunion, dans le 20e, sur le site où a été créée par la suite l'association DAL. Nous voilà donc en terrain de connaissance.

La question du logement s'est améliorée au fil du temps. Le nombre de mal-logés a diminué. Puis, depuis 2000, la situation a basculé. Prédominent le sentiment d'une régression, une inquiétude, qui expliquent que les candidats se soient emparés du sujet. De plus en plus de personnes sans abri se trouvent dans la rue, à tel point que chacun se demande si lui-même, ses enfants, ses petits-enfants ne s'y retrouveront pas un jour. L'association « Les morts de la rue » a montré que l'on mourait à l'âge moyen de 45 ans, dans la rue. Être condamné à la rue, c'est être condamné à mort. La violence qui frappe ceux qui sont jetés dans la rue est mal appréhendée : c'est une souffrance mentale, physique, sociale. La loi découle de l'action de l'association « Les Enfants de Don Quichotte » au bord du canal Saint-Martin. Dans notre société, le droit au logement est une question de civilisation : sans logement, on n'existe pas, on meurt. Des enfants, des femmes, des familles se trouvent dans des situations de plus en plus difficiles, à la mesure de l'aggravation de la crise du logement.

La loi a été adoptée en 2007 dans un contexte préélectoral, paradoxalement demandée par un président de la République fervent soutien des milieux immobiliers, et qui a abrogé la loi de 1948 ainsi qu'une série de dispositions protégeant les locataires, mais qui s'est rattrapé en faisant adopter cette loi juste avant de partir.

Depuis lors, les limites de la loi ont été repérées, à tel point que beaucoup d'élus s'interrogent sur sa pertinence, face à la difficulté de la mettre en oeuvre. Ce nouveau droit concernait au premier chef les adhérents de notre association, mal logés, sans logis ou menacés d'expulsion sans relogement. C'est dire si elle a suscité un espoir. Dès son examen, nous avions indiqué ses insuffisances. Le comité de suivi les a mises en évidence : inégalités de traitement très importantes, en particulier dans les zones tendues ; certaines règles des commissions de médiation, qui sont souvent inégales, voire illégales, tendent à limiter le nombre de personnes éligibles au relogement. Dans les départements d'Île-de-France hors Paris sont pratiqués des filtrages illégaux.

Les délais d'examen sont grosso modo respectés. Des progrès ont été accomplis à cet égard. Dans 75 % du territoire, hors Île-de-France, et dans une moindre mesure, les régions Rhône-Alpes, Paca et Nord Pas-de-Calais, la loi est correctement appliquée, comme l'a souligné Bernard Lacharme. C'est là où le marché est le plus tendu, où la crise du logement est la plus sévère, que nous rencontrons les difficultés d'application les plus importantes.

L'État ne reloge pas dans les délais, au point que de nombreux ménages déclarés prioritaires en 2008-2009 ne sont toujours pas relogés ! Cela se traduit par une injustice dans la mise en oeuvre de la pénurie. Aujourd'hui, on reloge les prioritaires du mois dernier alors qu'on ne prend pas en compte ceux qui ont été reconnus prioritaires les premiers. Pourquoi ? On ne le sait pas. Aucune justice, aucun critère ne l'explique.

Comment régler cette question ? Le ministre Benoist Apparu s'était engagé à relever le nombre de prioritaires relogés en région parisienne et à rattraper le retard. Sur le terrain, le nombre de relogements au titre du Dalo a augmenté, mais le retard n'a pas été rattrapé. Le nombre de prioritaires non relogés augmente d'année en année.

Il faut une organisation territorialisée, céder des compétences aux collectivités territoriales. Mais surtout l'État ne s'est pas donné tous les moyens. La loi a créé des limitations délibérées dans le dispositif de relogement. Elle oblige l'État à utiliser le contingent préfectoral. Il faudrait lui donner des moyens de relogement supplémentaires : réquisition, sous-location dans le parc locatif privé (Solibail), dispositifs qui ne sont pas mis en oeuvre. Au lieu de limiter les capacités de relogement du préfet, la loi aurait dû s'ouvrir à tous les moyens de relogement pour sortir les gens de leurs difficultés.

Autres problèmes : les astreintes et la procédure spécifique Dalo. Il faut déplafonner les astreintes, plafonnées en 2009 par la loi Boutin. Les premières décisions des tribunaux administratifs prononçaient des astreintes d'environ 100 euros par jour. Un amendement du sénateur Philippe Dallier les a plafonnées à un niveau équivalent à un loyer HLM : elles sont passées de 3000 euros par mois à 300 à 500 euros par mois. Elles ont été affectées à un fonds qui était censé aider les communes n'atteignant pas le seuil de 20 % de logements sociaux, compte tenu de leur surcharge foncière, donc sans relation directe avec l'intérêt des ménages en difficulté. Il y a là une injustice. La justice administrative n'aurait pas vocation à donner de l'argent à des ménages démunis. L'État n'est pas encouragé à utiliser tous les moyens légaux dont il dispose pour satisfaire à ses obligations. Il faut lui redonner des contingents supplémentaires ou les maires doivent participer au relogement. Dans quelques cas, une partie du contingent du 1 % logement doit être affecté au relogement Dalo, c'est une petite avancée, mais qui n'est pas suffisante.

Notre pays n'a jamais été aussi riche, il n'a jamais connu autant d'inégalités, depuis le XIXe siècle. La possibilité d'y mettre en oeuvre le Dalo est à notre portée. C'est un défi qu'il nous faut absolument relever. Ce serait un honneur pour notre pays de rendre cet hommage au combat de l'Abbé Pierre et de tous ceux, maires, bailleurs sociaux, qui se sont battus pour le droit au logement. Il faut conclure ce combat qui dure depuis 150 ans.

Nous avons vu passer un amendement qui, plutôt que d'améliorer les conditions d'accès aux prioritaires Dalo, les limitait. Son objet était de rendre impossible le relogement des prioritaires Dalo dans les communes qui comptent plus de 50 % de logements sociaux, M. Dilain en sait quelque chose. Pourquoi pas ? Mais faites attention au mauvais message que vous transmettez ! Il faut améliorer les dispositions relatives au relogement avant d'en mieux répartir la charge. J'entends bien que les charges ne sont pas les mêmes pour les communes riches et pauvres.

Les copropriétés HLM sont un sujet très complexe...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion