Intervention de Jean-Yves Guéranger

Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 29 février 2012 : 1ère réunion
Droit au logement opposable — Table ronde avec les représentants d'associations et d'institutions membres du comité de suivi de la mise en oeuvre du dalo

Jean-Yves Guéranger, responsable Habitat Ville, ATD Quart Monde :

L'idée que la non-application du Dalo est due à l'insuffisance des logements dans certaines régions est en partie exacte. Il n'en est pas moins vrai que certains logements qui pourraient être attribués au titre du Dalo ne le sont pas. Nous déplorons un manque de transparence et de communication entre les bailleurs, d'une part, et les préfets et leurs services, d'autre part : ils ne se communiquent pas l'identité des ménages prioritaires, en mettant en face les logements disponibles. Cela cause une déperdition qui n'explique pas la totalité de la différence de 500 logements manquants par mois, mais une partie. Les rouages sont grippés. En vertu d'une convention passée entre l'État et les bailleurs, sur 37,5 % des contingents, 15 % doivent être sanctuarisés pour le Dalo, mais la réalité est différente.

Il y a une capacité de logements disponibles pour le Dalo qui n'est pas exploitée, en particulier en Île-de-France. Le manque de volonté politique y est pour quelque chose.

Le 1% logement devait fournir 400 logements par mois. Nous en sommes à une centaine. Il en manque 300 ! Le mécanisme d'attribution du 1 % au Dalo ne fonctionne donc pas complètement. Il y a là un fossé considérable ! Redonnons une impulsion, afin que les services préfectoraux fonctionnent mieux ! Les bailleurs devraient savoir qui sont les bénéficiaires du Dalo et les préfets quels sont les logements disponibles.

Autre raison des dysfonctionnements actuels : le montant des loyers, de 5 à 7 euros par mètre carré et par mois en logement social. Une bonne partie des éligibles au Dalo ne peut payer un loyer mensuel de 5 euros par mètre carré. Je siège dans la commission de médiation du département du Nord. Sur 130 dossiers examinés toutes les trois semaines, nous en retenons une cinquantaine de prioritaires. Nous savons qu'une dizaine d'entre eux ne pourront payer leur loyer. C'est un échec programmé. Certains bailleurs refusent de les prendre en raison de l'insuffisance de leurs moyens financiers.

On ne peut plus augmenter les aides d'État, l'APL, il n'y a plus d'argent public, je sais que cela se discute, mais la contrainte financière est là. La solution consiste à demander aux organismes HLM de moduler les loyers, au-delà de la limite actuelle de 7 euros, pour se rapprocher du marché. Celui-ci se situe à 20 euros. Il ne s'agit pas d'aller jusque là, mais de monter jusqu'à 8, 10 ou 11 euros, en fonction, bien sûr, des ressources réelles des locataires, afin, par les moyens complémentaires ainsi obtenus, d'offrir aux plus pauvres un loyer de 3 euros, qu'ils pourront payer, contrairement aux loyers actuels de 5 euros. Le groupe Logement français qui est l'un des plus gros bailleurs sociaux d'Île-de-France, procède de la sorte, par des remises sur quittance. La mesure ne peut pas toucher beaucoup de monde mais il serait d'accord pour ce déplafonnement des loyers HLM, afin de dégager les ressources nécessaires au Dalo. Cela ne coûterait pas un euro à l'État. Nous comptons sur vous, messieurs les sénateurs, pour soutenir une telle initiative législative.

Un tiers des propositions de baux sont refusées par les candidats locataires, parce qu'ils craignent de ne pouvoir payer. Ce sont les bailleurs qui le disent.

Troisième difficulté : l'insuffisance de logements, surtout dans les régions où les loyers et les prix des logements atteignent des sommets, comme l'Île-de-France, l'arc méditerranéen et la zone frontalière avec la Suisse. Il existe une relation évidente entre les tensions du marché foncier et les difficultés d'application du Dalo. Il faut donc construire. Il faut aller vers une densification immobilière. Les logements HLM modernes sont désormais très beaux. Construire permet de rassembler plus de monde sur un territoire donné.

Nous demandons également une réforme foncière qui permette de récupérer une partie des gains immobiliers réalisés par les collectivités locales sur les terrains vendus afin de constituer des réserves foncières.

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