C'est peu dire que notre commission des lois est opposée à l'idée de lois mémorielles. Mais le fait est que nous avons voté la loi du 29 janvier 2001 et que celle-ci doit désormais être déclinée, faute de quoi elle ne demeurera qu'une simple pétition de principe, d'autant plus qu'elle n'a reçu, à ce jour, aucune application juridictionnelle permettant d'en apprécier la portée et qu'elle ne peut donc s'appuyer sur l'autorité de la chose jugée. Un tel raisonnement a pu, nonobstant les arguments avancés par le rapporteur, qui méritent d'être examinés de près, justifier le dépôt de cette proposition de loi.
S'agissant de la question de sa possible inconstitutionnalité, j'estime, au risque de vous choquer, qu'il serait utile que la loi de 2001 fasse l'objet d'une question prioritaire de constitutionalité (QPC) qui constaterait l'existence d'une difficulté, auquel cas nous pourrions aussitôt déposer une proposition de résolution destinée en quelque sorte à remplacer cette loi. Nous avons en effet, avant tout, besoin de savoir à quoi nous en tenir sur la valeur des textes et leur applicabilité, d'autant plus qu'au-delà du génocide arménien nous risquons d'être sollicités par d'autres communautés.
D'une façon générale, ce débat provoque un malaise car il est l'objet d'un certain nombre de non-dits, à commencer par celui lié au risque d'une forme de hiérarchisation des différents génocides, ce qui serait un non-sens, puisqu'un événement est un génocide ou il ne l'est pas. En m'inspirant d'un article écrit par une de nos collègues de la commission, j'ajouterai que la multiplication des lois mémorielles constitue une menace pour la cohésion sociale. Après s'être intéressé aux Arméniens, n'en viendra-t-on pas, par exemple, à considérer d'une façon particulière les personnes ayant des noms d'origine turque ? Les réserves de la France face à la multiplication des lois mémorielles tiennent aussi à notre difficulté à aborder, au-delà des génocides étrangers, certains événements de l'histoire de notre pays. Par exemple, lorsque j'entends le président de notre commission parler du « génocide » vendéen en y mettant des guillemets, vous comprendrez que cela ne m'est pas indifférent.
En conclusion, regrettant le vote de la loi de 2001, j'estime que nous devons aborder ce débat en faisant abstraction du contexte électoral et en nous fondant à la fois sur une analyse juridique et sur l'évaluation des conséquences de son vote sur la société. Au sein du groupe centriste, chacun exprimera sa sensibilité propre mais, pour ma part, j'envisage de m'abstenir, voire peut-être ne pas prendre part au vote.