Intervention de Gaëtan Gorce

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 janvier 2012 : 1ère réunion
Répression de la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi — Examen du rapport

Photo de Gaëtan GorceGaëtan Gorce :

Je me placerai essentiellement non sur un plan juridique mais du point de vue de l'idée que nous devons nous faire de notre Nation. Il s'agit d'une approche certes délicate mais indispensable pour aborder ce sujet difficile. J'ai la faiblesse de penser que la Nation est une personne, sinon comment expliquer qu'elle ait survécu au-delà des moments où sa sécurité ou sa défense ont été mis en jeu ? Cette personne s'est forgée au fil du temps et des épreuves, autour de valeurs communes qui constituent notre mémoire nationale, fruit de l'Histoire, mais aussi le résultat de choix, auxquels nous participons au-delà de nos différences. Si nous confondons la mémoire et l'Histoire nous commettrons une grave erreur.

Par ailleurs, eu égard à nos tentations à vouloir multiplier les lois mémorielles, nous devons être attentifs à notre mémoire nationale, synthèse de mémoires diverses et non pas addition de mémoires, qu'elles soient ouvrière, religieuse ou encore laïque. Si cette mémoire nationale, qui transcende les mémoires particulières, commence à être remise en cause au motif qu'elle devrait constituer une addition de mémoires spécifiques, tout aussi légitimes soient-elles, alors nous prenons le risque de la détruire et de mettre en danger la cohésion nationale. Cela ne signifie nullement que nous ne devons pas réactualiser cette mémoire, mais ce n'est pas le rôle de la loi. Nous devons le faire davantage par la commémoration, indiquant ainsi aux communautés visées, en l'occurrence la communauté arménienne, qu'elles font partie intégrante de la communauté nationale. Si nous commençons à décider dans un texte ce que doit être la mémoire nationale, nous risquons de déclarer une guerre des mémoires consistant à savoir si la Révolution française est bien notre socle politique ou si elle a commis un génocide en Vendée, alors c'est toute la construction politique, intellectuelle et affective de la Nation que nous mettons en danger.

Je regrette que des hommes et des femmes qui prétendent être des hommes ou des femmes d'État se soient permis des déclarations à ce sujet qui sont indignes de quiconque veut diriger la République.

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