Intervention de Pierre Radanne

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 7 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Radanne expert des questions énergétiques et écologiques

Pierre Radanne, expert des questions énergétiques et écologiques :

Il s'agit de l'ensemble du logement, soit l'habitat en général et le secteur du tertiaire constitué par les bureaux, les commerces, les hôpitaux, etc.

J'en viens à votre troisième question. Il s'agit d'une question de temps, de rythme plutôt que d'une question d'argent. Le problème auquel nous sommes confrontés est que - je vais le dire d'une façon un peu dramatique, car j'ai le sentiment que la gravité de l'époque n'est pas comprise - nous devons faire, dans les prochaines années, des choix qui détermineront notre secteur énergétique pour le demi-siècle à venir.

Nous sommes au carrefour de plusieurs crises.

Tout d'abord, notre parc électrique - c'est le sujet qui nous occupe aujourd'hui - est vieillissant et sera bientôt en danger.

Par ailleurs, l'augmentation des prix du pétrole est extrêmement préoccupante. Le ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés n'a pas fait baisser ces prix, contrairement à ce qui s'était passé en 2008. Nous sommes installés dans une situation de tension qui fait grimper les prix.

Il faut également mentionner l'horreur que constitue le changement climatique, sujet que j'étudie avec beaucoup d'attention. Nous sommes face à un compte à rebours totalement terrifiant : il faudrait une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Compte tenu du temps de séjour - environ 120 ans - du gaz carbonique dans l'atmosphère, l'inertie est considérable, de sorte que, si nous dérapons, nous ne pourrons pas redresser la trajectoire.

Enfin, la demande mondiale d'énergie - pas seulement celle des pays émergents - augmente très fortement. Nous sommes donc dans une situation de très grande tension.

Il faut construire aujourd'hui une nouvelle politique énergétique, en commençant par les économies d'énergie, notamment dans le domaine de l'électricité, pour desserrer les contraintes, et en s'engageant dans le développement des énergies renouvelables. Cela nécessitera un remaillage du réseau électrique, qui peut être effectué de manière régulière.

Ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est de programmation, c'est d'une loi de planification. Quand, à la fin de l'année 1997, j'ai été nommé à la présidence de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, le budget prévu pour les questions de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables en 1998 était égal à zéro...

Les investissements réalisés par la France en matière d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables ne sont pas ridicules, mais notre pays a fait du stop and go en permanence. Or si les coups d'accélérateur sont suivis d'un abandon des filières mettant en danger les entreprises, on aboutit à une déstructuration des secteurs concernés. Plus que l'instauration de mécanismes de taxation ou d'autres dispositifs, le point essentiel est la prévisibilité pour l'ensemble des acteurs et le développement industriel des filières sur la longue durée.

Nous allons revoir l'ensemble du secteur énergétique pour le demi-siècle à venir. Le secteur énergétique inclut également le secteur des transports, puisque ce dernier est dépendant du pétrole à 98 %.

Il importe de lancer le plus vite possible, après l'élection présidentielle, un véritable débat énergétique dans le pays. Je peux comprendre que certains de nos concitoyens se méfient de l'énergie éolienne, mais cela signifie qu'ils ne saisissent pas les enjeux énergétiques pour notre pays dans cette séquence historique. Il faut emporter l'adhésion de nos concitoyens par une comparaison sincère et sérieuse des risques.

Lors de son audition, M. Mestrallet a évoqué la question de la méthanation. Je pense que celle-ci constitue une vraie percée technologique. Dans la mesure où le gaz, à la différence de l'électricité, peut être stocké, nous avons là l'élément de flexibilité que nous cherchions depuis des décennies à travers des mécanismes complexes. Nous sommes aujourd'hui capables d'obtenir cette flexibilité grâce aux technologies que nous avons sur l'étagère. La résolution du problème me semble donc à portée de main.

J'en viens à votre quatrième question. Lorsque j'étais président de l'ADEME, j'étais totalement hostile aux tarifs de rachat de l'électricité produite à partir de l'énergie photovoltaïque décidés à cette époque. Je suis bien entendu favorable à la fixation de tarifs de rachat, mais, lorsqu'un dispositif fiscal est conçu de telle sorte que, s'il atteint son but, il fait sauter la banque, c'est un mauvais dispositif ; quand le succès conduit à l'échec, cela signifie que le dispositif a été mal réglé. Or on savait déjà, il y a dix ans, que des tarifs trop élevés casseraient la filière, et c'est bien ce qui s'est passé.

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