Intervention de Pierre Radanne

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 7 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Radanne expert des questions énergétiques et écologiques

Pierre Radanne, expert des questions énergétiques et écologiques :

Pour moi, un réacteur est en fin de vie après quarante ans d'activité, parce qu'une prolongation de quarante à soixante ans coûte extrêmement cher, d'autant que les investissements à effectuer sont plus importants depuis la catastrophe de Fukushima - tous les coûts supplémentaires ne sont pas encore connus. Prolonger la durée de vie des réacteurs impliquerait donc tellement de dépenses simultanées que je ne vois pas comment le pays pourrait les financer.

Plus vite nous ferons des économies d'électricité, plus nos marges de manoeuvre seront grandes. Malheureusement, la pyramide des âges du parc de production électrique - ce n'est pas le cas des autres installations - est tellement déséquilibrée que nous devons commencer assez rapidement à faire des investissements de renouvellement. Il faut en effet lisser ces investissements sur une longue période, afin qu'ils soient supportables.

J'ai vu des chiffres concernant l'Allemagne : ils n'ont aucun sens. Le coût de construction d'un EPR, tel qu'expertisé par la Cour des comptes après consultation d'EDF et d'Areva, est de 3 000 euros le kilowatt, soit le double du coût des anciennes centrales ; cet écart s'explique par la sophistication des nouveaux réacteurs. Admettons que l'Allemagne doive changer de mode de production pour 10 000 mégawatts : les ordres de grandeur ne sont pas du tout les mêmes. Ces chiffres n'ont donc aucun sens.

Si je devais émettre un seul souhait concernant la représentation nationale, ce serait qu'elle prenne conscience que, au moment où nous nous préparons à renouveler l'ensemble de notre secteur énergétique, notamment électrique, mais aussi une grande partie du secteur des transports, et à réhabiliter nos logements, ne serait-ce que pour respecter nos engagements en matière climatique, il est tout à fait choquant qu'aucun exercice sérieux de prospective n'ait été engagé. Les sommes en jeu sont pourtant astronomiques.

Il faut optimiser la dépense publique en établissant des scénarios contradictoires et un calendrier lissé de mise en oeuvre des investissements, afin que le coût de ces derniers soit supportable pour nos concitoyens.

Je voudrais terminer par une remarque. En 2011, notre pays a enregistré une dépense de 70,4 milliards d'euros : c'est l'argent que nous avons jeté par la fenêtre pour acheter du pétrole, du gaz, de l'uranium et du charbon. Cette somme est équivalente à notre déficit commercial. Le rêve que je forme pour mon pays, c'est que, à l'avenir, nous utilisions l'essentiel de ces 70,4 milliards d'euros en France, pour réhabiliter nos logements et développer les transports collectifs et les énergies renouvelables présentes sur notre territoire.

Je me situe totalement à rebours du discours dominant : j'estime que la prise en charge de la question énergétique constitue l'un des meilleurs scénarios de sortie de crise, puisque nous pourrions mettre fin à une hémorragie de 70,4 milliards d'euros par an.

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