Intervention de Philippe Laurent

Mission commune d'information sur la taxe professionnelle — Réunion du 31 janvier 2012 : 1ère réunion
Audition de représentants de collectivités locales

Philippe Laurent, maire de Sceaux et vice-président de l'Association des Maires de France (AMF) :

Je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir invité l'AMF à vous faire part de son analyse de la situation. Vous nous avez adressé une liste de questions ; nous avons choisi d'y répondre de manière sommaire au moins oralement.

Tout d'abord, les ratios d'autonomie fiscale, tels que nous l'entendons à l'AMF et je pense dans l'ensemble des associations, n'existent pas dans la Constitution, celle ci ne reconnaissant que l'autonomie financière. Je n'entrerai pas dans le débat des différences entre ces deux notions, chacun ici les connaissant.

Sur les 47 milliards d'euros d'impôts et de DCRTP perçus par le bloc communal, environ 88 % peuvent faire l'objet d'une certaine modulation par le taux. Ce pourcentage ne tient cependant pas compte du FNGIR qui peut représenter, pour certains EPCI ou communes, une part de recettes non négligeable, par définition non modulable.

Il convient aussi de noter que le taux de cotisation foncière des entreprises (CFE) est désormais totalement lié au taux des impôts des ménages, la majoration dans la limite de 1,5 fois ayant été supprimée en même temps que la taxe professionnelle.

Enfin, en ce qui concerne les EPCI qui lèvent la fiscalité professionnelle unique, la part d'impôts non modulable est plus importante, ceux ci percevant plus des trois quarts de la CVAE du bloc communal.

S'agissant de la croissance attendue des différents impôts locaux et de ses conséquences en termes d'inégalités territoriales, la progression des bases correspond globalement à ce qui existait avant la réforme, notamment pour les taxes foncières.

Pour la CVAE en revanche, il est impossible de réaliser des prévisions fiables, surtout en cas d'établissements multiples. La prévisibilité est, quoi qu'il en soit, beaucoup plus incertaine que lorsqu'il s'agissait de la prise en compte notamment des équipements et biens mobiliers (EBM) ou des valeurs locatives foncières s'agissant de l'ancienne taxe professionnelle.

Cependant, il existe moins de possibilités d'optimisation de la part des entreprises avec le risque que celles ci prêtent moins d'attention à l'établissement des déclarations, par exemple concernant le nombre de salariés par établissement. La justesse de la répartition pourrait donc en souffrir.

Il est à ce jour difficile de se faire une opinion sur la CVAE compte tenu de la notification tardive des produits 2011 et des différentes évolutions législatives relatives à sa territorialisation.

S'agissant de l'évolution du panier fiscal des différentes catégories de collectivités, que pouvons nous dire à l'heure actuelle ? Pour l'AMF, la répartition actuelle apparaît relativement satisfaisante pour le bloc communal qui dispose encore d'un panier de ressources diversifié, ce qui n'est pas le cas des départements ou des régions.

L'attribution d'une part de CVAE au bloc communal, pour laquelle l'AMF s'est beaucoup battue, était une nécessité même si l'on peut considérer que la part de 26,5 % reste insuffisante. Pour le moment, il est nécessaire de s'en tenir au statu quo afin de pouvoir suivre l'évolution des recettes sur plusieurs exercices avant de proposer, le cas échéant, une nouvelle répartition.

S'agissant de la transmission des évaluations et des informations, la notification des montants définitifs ne date que de décembre 2011. Aucune information sur les éléments de calcul n'a été fournie. Les écarts constatés entre prévision et notification devront faire l'objet dans les mois qui viennent d'explications précises. L'ensemble des associations d'élus a demandé à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), lors d'une réunion qui s'est tenue la semaine dernière, de notifier toute une série d'informations permettant de s'assurer de l'origine de la CVAE, notamment en cas d'entreprises multi établissements.

Les amendements qui ont été votés en loi de finances 2012, à l'initiative des associations d'élus, devraient permettre de disposer de ces informations. Il est regrettable que les communes et les EPCI n'aient pu disposer des informations nécessaires à la prise de décisions en matière de cotisation minimum de CFE.

S'agissant de la répartition géographique du produit de la CVAE, les chiffres ont été diffusés par la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) dans son bulletin d'information statistique. Ces chiffres sont intéressants mais ne permettent pas une analyse suffisamment pertinente au stade actuel. Cela étant, les remarques des représentants de l'ARF, sur la concentration de la CVAE sur certaines régions et sur l'une d'elles en particulier sont totalement exactes.

S'agissant de l'avenir de la CET et des aménagements que nous pourrions proposer, la modulation du taux, avec possibilité de dépasser le taux de 1,5 % dans certains cas est l'une des solutions à envisager. Elle a été préconisée sous forme d'un « tunnel de taux » par le rapport Fouquet, qui aboutissait à la prise en compte de la valeur ajoutée comme base principale de taxation économique en direction des collectivités locales.

Un point nous paraît devoir être analysé en profondeur. Il s'agit du coût des dégrèvements barémiques. On se souvient dans quelles conditions ils ont été mis en place. Ils représentent 3,6 milliards d'euros. C'est un coût extrêmement élevé ; il conviendrait de vérifier qu'il se justifie dans tous les cas.

La création de la nouvelle IFER est également étudiée pour certaines activités qui ont pu bénéficier d'effets d'aubaine du fait de la disparition de la taxe professionnelle.

S'agissant de la question des ratios d'autonomie financière, a priori et en l'état actuel des choses, le bloc communal n'a pas constaté globalement de modification, dans la mesure où, dans le calcul et les normes utilisés pour la définition de ces ratios, la CVAE est considérée comme un impôt territorialisé alors que les collectivités territoriales n'ont les moyens d'influer ni sur le taux, ni sur la base.

Nuançons ces appréciations en remarquant que le montant de la DCRTP affecté au bloc communal, soit 1,250 milliards d'euros, vient mécaniquement diminuer ce fameux ratio !

S'agissant du mécanisme de la DCRTP ou du FNGIR, il était protecteur en 2010. Dans la mesure où aucune indexation n'est prévue, il ne le demeurera pas à long terme, notamment pour les collectivités qui perçoivent des montants importants de DCRTP et de FNGIR. Il pourrait donc être suggéré au Sénat de vérifier chaque année l'évolution des ressources fiscales consolidées avec les garanties et de s'assurer qu'aucune diminution de ces compensations ne soit votée.

S'agissant de la compensation à l'euro près pour les collectivités, c'est le cas à l'instant « T », sauf à vérifier ce que nous n'avons pu faire de manière certaine qu'il n'y a pas eu de décalage dans l'appréciation exacte de la compensation. C'est un point essentiel qui peut aboutir à une perte définitive de 2 ou 2,5 % de richesse fiscale. C'est d'autant plus important que le taux est fixe.

Il conviendra aussi d'être vigilant avec les ressources provenant des fonds départementaux de taxe professionnelle, notamment au titre des grandes surfaces.

S'agissant des instruments de péréquation horizontale, un travail important a été mené par le Parlement et par l'ensemble des associations d'élus, notamment au sein du Comité des Finances Locales (CFL). Nous considérons qu'il est trop tôt pour juger des effets de ce fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Il est également trop tôt pour juger du Fonds de solidarité de la région Ile de France (FSRIF). Il est d'ailleurs, à ce titre, fort opportun que le Sénat ait voté une demande de rapport portant sur l'analyse des conséquences de la mise en place du Fonds de péréquation. Ce rapport doit être remis avant le 1er octobre mais il nous paraît important que Parlement et associations d'élus puissent y travailler ensemble. Nous pourrons donc imaginer une méthode de travail lors de la prochaine réunion du CFL, sans attendre cette évaluation.

Concernant les critères de répartition, nous pensons que les dispositions votées par le Sénat en loi de finances sont allées dans le bon sens. Il sera évidemment nécessaire d'analyser toutes leurs incidences. Pour le calcul du potentiel fiscal, cependant, la prise en compte du FNGIR ou de la DCRTP sans ajustement tenant compte des bases des anciens impôts peut apparaître comme relativement injuste. C'est un point essentiel sur lequel il nous faudra travailler.

S'agissant des relations entre les collectivités territoriales et les entreprises, nous avons, au sein de l'AMF, procédé à une enquête rapide auprès d'un certain nombre de nos adhérents, notamment les membres de la commission des finances qui nous ont indiqué ne pas avoir eu de retours particuliers de la part des acteurs économiques sur cette affaire.

Lorsqu'on pose la question aux acteurs économiques de savoir quelle réforme est nécessaire, la réponse porte quasi systématiquement sur les charges sociales.

Certains élus ont simplement précisé que des entreprises pour lesquels il n'était pas forcément attendu d'allégements étaient bénéficiaires comme les entreprises de transport, alors que des artisans ou des maisons de presse estimaient payer davantage avec le nouveau système. On peut donc s'interroger sur le retour sur investissement en termes de ressources fiscales. Les collectivités territoriales peuvent attendre de nouvelles implantations d'entreprises. Les retombées en matière d'emploi seront donc essentielles pour favoriser l'accueil d'entreprises, notamment industrielles et faire en sorte que les habitants les acceptent.

Enfin, l'allégement de la charge fiscale pour les entreprises industrielles est elle de nature à éviter les délocalisations ? La réforme, initialement ciblée sur les entreprises industrielles, a finalement touché pratiquement toutes les catégories de redevables. Ainsi, des professions libérales employant moins de cinq salariés sont assez largement bénéficiaires. Il est difficile de juger de manière précise les effets de la réforme sur les entreprises puisque le critère de la taxe professionnelle n'était pas parmi ceux cités le plus souvent pour justifier les délocalisations.

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