Le Gouvernement est à l'entière disposition du Parlement. Si mes réponses manquent d'exhaustivité, je joindrai un complément au questionnaire qui vous sera renvoyé.
En quelques mots, d'abord, le contenu de la réforme. Dans le cadre de la loi de finances pour 2010, nous avons mis en oeuvre l'engagement présidentiel de supprimer la taxe professionnelle, qui faisait alors l'objet d'un consensus politique. Cette étape majeure, depuis la création de cette taxe en 1974, avait pour but de mettre fin à un système pénalisant les entreprises qui investissent et celles qui possèdent des machines. Une réforme de compétitivité, donc. Nous avons allégé de manière pérenne d'une charge de près de 5 milliards d'euros par an les investissements des entreprises. L'industrie, en particulier, a bénéficié d'un allègement de plus de 30% de son impôt. Une réforme d'équité, également, puisque nous avons, d'un côté, réduit le taux de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de 3,5 à 3 % pour les entreprises qui étaient lourdement taxées et, de l'autre, augmenté sans hésiter la participation des entreprises qui versaient une cotisation égale à seulement 1,5 % de leur valeur ajoutée, voire ne versaient pas de cotisation minimale. Oui, certaines entreprises, tels les établissements financiers, contribuent davantage. Mais pouvions-nous accepter plus longtemps de tels écarts ?
Nous avons porté une attention particulière aux PME et aux auto-entrepreneurs. Le barème progressif pour la CVAE et une réduction de celle-ci de 1 000 euros pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros diminuent la charge des premières. Il est prévu, pour les seconds, une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) durant deux ans après leur création. A cela, il faut ajouter, à partir de cette année, une réduction de la CFE jusqu'à 50 % pour les redevables réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 10 000 euros. S'agissant d'une ressource locale, la décision appartient aux collectivités territoriales et devra intervenir avant le 15 février de cette année. Pour les autres auto-entrepreneurs, nous autorisons les communes, dont l'assiette minimale de CFE est très élevée, à la réduire au rythme qu'elles auront choisi.
Ensuite, le bilan. Globalement, la baisse de cotisation dont ont bénéficié les entreprises est estimée à un montant compris entre 4,5 et 5 milliards d'euros par an en rythme de croisière. Seulement 25 % d'entre elles sont perdantes, contre 60 % gagnantes, un chiffre qui atteint 86 % pour celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 250 000 et 500 000 euros. À voir les résultats chiffrés, la réforme a surtout profité à l'industrie et aux petites entreprises, l'objectif est donc atteint.
Quels effets sur la croissance ? Compte tenu de la conjoncture économique actuelle, il est difficile d'estimer les retombées positives de la réforme dans son ensemble. Celle-ci a abouti à une réduction globale de la fiscalité des PME et des ETI qui voient leurs impôts baisser en raison de la progressivité du taux de la CVAE et de l'abattement de 1 000 euros pour les entreprises réalisant moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Une chose est sûre : la remise en cause de cette réforme n'améliorera pas la situation.
À la demande de votre mission, nous avons chiffré le relèvement du plafonnement de la CET à 3,5 % de la valeur ajoutée : une charge fiscale supplémentaire de 254 millions d'euros pèserait sur 46 000 entreprises, surtout les grandes entreprises dont le chiffre d'affaires excède 7,6 millions d'euros. Les secteurs de l'énergie et des transports seraient plus particulièrement touchés, 76 millions pour le premier et 50 millions pour le second. Quant au relèvement du taux de CVAE de 1,5 % à 1,6 %, il représenterait une recette de 1 milliard d'euros pour les collectivités territoriales, dont un peu plus de 56 % serait à la charge des entreprises et le reste à celui de l'État. L'effet serait sensible pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 3 millions, et encore plus au-delà de 7,6 millions de chiffres d'affaires. Dans le dernier cas, plus de 66 % des entreprises seraient perdantes, surtout dans les secteurs du service aux entreprises et du commerce. La période que nous traversons, si telle était l'intention du législateur, se prête mal à de telles mesures.
En réformant la taxe professionnelle, nous avons créé un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales. Celles qui accueillent des sites industriels bénéficient d'une prime, grâce à des coefficients majorés dans les formules de répartition des recettes de la CVAE. Cette prime suffit-elle ? Au vu des résultats agrégés de la répartition des recettes de CVAE, que Mme Pécresse s'est engagée à fournir d'ici juin 2012, le Gouvernement pourra consolider l'ensemble des données. Les élus disposeront alors des informations pour revoir éventuellement les principes de territorialisation de la CVAE.
Depuis la réforme et l'adoption d'un taux unique de CVAE, le critère fiscal n'est plus déterminant dans le choix d'implantation géographique d'une entreprise. L'idée était, d'une part, de rendre la cotisation plus prévisible, plus homogène pour les entreprises ; d'autre part, de limiter la concurrence fiscale entre collectivités. Revenir sur ce point en permettant notamment aux élus locaux de moduler les taux serait remettre en cause l'équilibre trouvé, sans parler du coût pour l'Etat contraint de prendre en charge une partie des hausses en raison des mécanismes de dégrèvement.
Pour finir, quel serait l'impact de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels sur le nouveau dispositif ? L'expérimentation en 2011, qui a fait l'objet d'un excellent rapport, met en évidence des variations importantes, à la hausse comme à la baisse, des valeurs locatives ainsi que des transferts de charges fiscales des locaux industriels vers les locaux professionnels. D'où la nécessité de prévoir un mécanisme de lissage. S'il est un peu tôt pour en juger, la révision aura des effets sur les entreprises qui disposent d'établissements situés dans des communes différentes. Nous vous communiquerons les estimations dès qu'elles seront établies.