Intervention de Jean-Louis Carrère

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 janvier 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Gérard Longuet ministre de la défense et des anciens combattants

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président :

Monsieur le ministre, j'ai eu l'avantage de vous accompagner le 31 décembre dernier auprès de nos troupes engagées en Afghanistan. Cette visite éclair a été extrêmement dense, en particulier en raison des entretiens que nous avons eus avec les responsables militaires de la FIAS et ceux de notre contingent, mais aussi par les entretiens politiques, en particulier avec le président Karzaï.

Comme vous le savez, le dernier déplacement de notre commission a eu lieu en juin dernier. Le président de Rohan avait souligné, dans sa communication du 27 juin, deux points qui restent totalement pertinents. Il soulignait que le processus de transition comporte des éléments positifs et d'autres qui le sont moins. Parmi les éléments positifs, il citait les progrès accomplis par les Forces nationales de sécurité afghanes (FNSA), Armée comme Police. J'en témoigne aussi, puisque j'ai pu constater, entre mes deux déplacements dans ce pays, les différences très sensibles du niveau de professionnalisation de l'armée afghane. Le développement d'une police locale me semble également prometteur pour peu qu'elle ne se transforme pas en milices de potentats locaux. Sur notre présence militaire après 2014, vous nous donnerez des éclaircissements sur son maintien partiel que vous avez évoqué à Douchambé.

Par contre, en dépit d'une tendance positive, mais aussi parfois de reculs préoccupants, d'importants progrès sont encore à faire en matière de gouvernance, de justice, de lutte contre la corruption, de lutte contre la drogue.

L'entretien avec le président Karzaï ne me laisse pas l'impression que des progrès foudroyants vont avoir lieu dans ces domaines. Nous avons accepté, faute de mieux peut être, de laisser le président Karzaï au pouvoir après un simulacre d'élection sans deuxième tour. L'assise politique de ce dernier ne me paraît pas très sûre, ni très large, et l'on ne peut que s'interroger sur ce qui se passera lors des prochaines échéances qui coïncident avec la date du retrait des troupes de l'OTAN en 2014. Un risque de guerre civile n'est pas à exclure à la suite d'une désintégration des structures d'autorité et le retour en force des seigneurs de la guerre, qui sont du reste toujours au pouvoir. Le président Karzaï n'est-il pas aujourd'hui un obstacle au bon fonctionnement des institutions dont il grippe les rouages, en particulier parlementaires ?

De même, disait le président de Rohan, des interrogations se font jour sur le processus de réconciliation-réintégration. L'assassinat du président Rabbani n'a-t-il pas sonné le glas de cette réconciliation à laquelle, du reste, il est avéré que la Pakistan s'oppose de toutes ses forces. Sur ce point, justement, nous soulignions, il y a moins d'un an, que le devenir de l'Afghanistan dépendait aussi des relations régionales et, pour l'essentiel, de la politique du Pakistan et de l'évolution de ce pays. Le double jeu de l'armée et des services secrets continue de plus belle. La politique menée par le Pakistan est de diviser pour tenter de mieux régner. Je ne suis pas certain qu'il arrive ainsi à contrôler l'Afghanistan, mais j'ai pu constater combien cette action négative, ce pouvoir de nuisance, empêche tout progrès et encourage au contraire tout ce qui peut fragmenter.

De quels leviers d'action disposons-nous pour contrecarrer cette politique du pire ? Comment pouvons-nous conjurer le risque de voir le départ des occidentaux être synonyme de chaos, ce que, évidemment, nous voulons tous éviter ? Or cette perspective n'est pas à écarter au moment même où nous nous apprêtons, le 27 janvier prochain, à signer un traité d'amitié et de coopération entre nos deux pays.

Avant de vous passer la parole, Monsieur le ministre, je voudrais que vous nous disiez où en sont les réflexions menées par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) sur la première partie de la revue du Livre Blanc de 2008, c'est-à-dire l'analyse de l'évolution du contexte stratégique. On nous avait annoncé un Conseil de défense qui aurait dû adopter ce rapport fin décembre et nous ne voyons rien venir. Je n'ose vous proposer de soumettre le rapport d'information de notre commission publié fin décembre sur ce thème. Pouvez-nous nous expliquer les raisons de ce retard et nous indiquer les points qui semblent poser problème ? Ou peut être nous rassurer et nous annoncer sa publication très prochaine.

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