Intervention de Gérard Longuet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 janvier 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Gérard Longuet ministre de la défense et des anciens combattants

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Je voudrais tout d'abord souligner le caractère symbolique de nos engagements en opérations extérieures. La France engage des troupes loin de nos frontières, qui consacrent leur vie professionnelle au service des choix politiques de notre pays. Cela est vrai au Liban, en Côte d'Ivoire, à Djibouti, au Sénégal, dans nos territoires ultramarins, comme par exemple la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane et, bien sûr, en Afghanistan. Ma présence, à Noël et au Nouvel an auprès des troupes, a un sens en tant que ministre et en tant que parlementaire, puisque notre armée est l'armée de la nation. À mes côtés se trouvaient deux élus de la nation : votre président, le sénateur Jean-Louis Carrère et le député Christophe Guilloteau.

Cette audition est l'occasion de réfléchir ensemble sur une situation qui évolue, comme en témoignent la transition en Surobi et la signature, le 27 janvier prochain, d'un Traité d'amitié et de coopération entre nos deux pays, établi pour 20 ans, avec des programmes quinquennaux d'exécution.

Les échanges que nous avons eus avec le président Karzaï témoignent de la complexité de sa personnalité, puisqu'il est à la fois le produit d'une tradition afghane mais qu'il a vécu en exil et qu'il connaît bien notre pays. Il n'est pas inutile de savoir qu'il a deux passions politiques : Kemal Atatürk et le général de Gaulle. Il manifeste un nationalisme parfois un peu décalé par rapport à la réalité afghane. Nous avons également rencontré le général Wardak, ministre de la défense, le général Allen, commandant de la FIAS, le général de Bavinchove, chef d'état-major de la FIAS, notre ambassadeur Bernard Bajolet, ambassadeur des situations difficiles, qui a été en poste en Algérie, en Irak, qui est l'ancien coordinateur national du renseignement. Nous avons également eu des entretiens avec Jean-Baptiste Lesecq, chef du pôle stabilité, qui oeuvre en Kapisa/Surobi en lien avec nos forces et sous l'autorité de l'ambassade. Nous avons bien sûr rencontré le général Palasset, à la tête de la task force Lafayette, qui commandait précédemment la force Licorne en Côte d'Ivoire, et le général Nazar, d'origine tadjike, commandant la troisième brigade de l'armée nationale afghane (ANA) qui opère dans la zone où nous sommes.

Le premier enseignement de cette visite est que la transition est en cours, qu'elle est une réalité. Après l'annonce de la deuxième tranche de la transition par le président Karzaï, le 27 novembre dernier, ce sont 50 % de la population afghane dont la sécurité est assurée par l'ANA avec l'appui technique des forces de la coalition. Le transfert de la Surobi qui contrôle l'axe Kaboul-Peshawar (« l'autoroute n°7 »), le barrage hydroélectrique qui alimente Kaboul en électricité et possède des ressources minérales significatives, est un succès. Au printemps, les forces françaises en Surobi seront très minoritaires. Le degré d'autonomie des forces afghanes nous permet de basculer progressivement sur des missions d'appui et d'opérer comme de vrais partenaires qui vont progressivement se retirer. En Kapisa, sur cinq districts trois sont stables et deux, Alassay et Tagab, sont des zones de tensions où nos garnisons sont régulièrement confrontées à des faits de guerre.

200 premiers soldats sont rentrés en octobre, 200 ont suivi à Noël, conformément à la décision du Président de la République de diminuer d'un quart notre dispositif d'ici à fin 2012. La troisième phase de la transition, dont nous souhaitons fortement qu'elle englobe la Kapisa, conduira à redonner à l'armée nationale afghane la responsabilité de zones qui concernent trois quarts de la population. Nos soldats ont compris le sens de leur mission qui est d'accompagner l'ANA en la laissant intervenir seule et en apportant un certain nombre d'appuis (appui feu, appui médical, évacuation sanitaire et constitution d'une force de réaction rapide pour dégager une unité). Mais nos forces restent délibérément en retrait, ce qui correspond à la volonté de la coalition et de la France.

S'agissant du président Karzaï, il faut souligner son habileté Il a accepté l'ouverture d'un bureau de représentation des talibans au Qatar afin de permettre la reprise des rencontres politiques qui s'étaient arrêtées après l'assassinat de l'ancien président Rabbani. La situation politique du président s'est consolidée suite à la réunion de la Loya Jirga, dont la tenue est, en elle-même, un succès. Karzaï s'appuie sur des forces traditionnelles et sur un certain nombre d'alliés. Dans ce contexte, la coalition a contribué à la modernisation de l'Etat, comme l'illustrent la scolarisation des jeunes filles ou l'amélioration des infrastructures routières.

En mai prochain, à Chicago, l'OTAN, en concertation avec ses alliés en Afghanistan, fixera les conditions de l'action de la FIAS d'ici 2014 et déterminera la nature de la future mission de l'Alliance.

Le Pakistan est un acteur majeur et imprévisible. La conférence d'Istanbul qui s'est tenue au mois de novembre a permis aux pays voisins de l'Afghanistan de réaffirmer son droit à l'indépendance et à l'autonomie. À la conférence de Bonn, en décembre, sans le Pakistan, la coalition occidentale a tracé les perspectives d'un engagement durable. Seule la France a proposé un traité en bonne et due forme qui comporte un volet militaire et un volet civil.

Concernant votre question sur le rapport que doit rendre le SGDSN, nous avons mis au point un document qui est un travail préparatoire à la prochaine actualisation du Livre Blanc. Les analyses qui y sont faites prolongent celles du Livre blanc de 2008, en insistant sur un certain nombre d'éléments nouveaux. Parmi ceux-ci, on peut citer la crise économique et son impact sur la défense. Le document confirme l'arc de crise, mais constate sa déstabilisation, en particulier par les révoltes arabes, porteuses d'interrogation pour l'avenir. Il tient compte également du retrait opérationnel des États-Unis qui renoncent à mener deux opérations majeures sur deux théâtres d'opération simultanés et qui confirment leur réorientation vers l'Asie et le Pacifique. Le document souligne également l'importance prise par la criminalité internationale et par la cybercriminalité.

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