Sur le site dont je vous ai indiqué l'adresse, vous trouverez non seulement le rapport dont je fais état, mais également un autre, plus méthodologique, ainsi que la série des tableaux qui ont fondé nos analyses et un ensemble d'autres documents, dont un article que j'ai écrit sur l'histoire de cette enquête et les résultats de l'enquête 2008.
La gratuité ? Même si l'étude sociologique montre que les principaux obstacles sont moins économiques que sociaux, symboliques, que c'est le niveau de diplôme plus que de revenu qui est déterminant, il reste que l'argent peut être un frein à une pratique plus intensive. Si bien que c'est la population à fort niveau culturel et capital économique faible - étudiants, cadres moyens - qui est le plus sensible aux politiques tarifaires, lesquelles ne vont pas, cependant, sans effets d'aubaine pour ceux dont les revenus sont confortables, et méritent donc d'être ciblées et de s'accompagner d'un effort de médiation vers les publics visés : une opération lancée sans cette réflexion préalable est vouée à l'échec.
Il est vrai que le développement du numérique ne fait pas venir à la lecture ceux qui en sont éloignés. Aux États-Unis, où le livre numérique est plus développé que chez nous, les lecteurs sont plutôt âgés. En revanche, la lecture sur écran change les façons de lire. Cela est vrai pour les quotidiens, que l'on s'approprie différemment. J'ajoute que certains contenus, comme l'information ou les encyclopédies, sont sans doute mieux adaptés que d'autres, comme le roman, à l'écran, qui fera sans doute naître, aussi, d'autres formes de contenus, associant, par exemple, images, son et écrit, peut-être mieux adaptés aux nouvelles générations.
L'enquête ne traite pas des attentes des sondés : les procédures qui sont les siennes rendraient la chose difficile. Ma réflexion personnelle m'incline à penser qu'il faut être attentif aux publics de demain. On se focalise beaucoup sur la question de l'enfance, avec l'idée que plus on est tôt initié, mieux cela vaut. Mais c'est oublier du même coup cette longue période, d'une dizaine d'années, où s'opère le passage à l'âge adulte. Je pense par exemple aux étudiants : les politiques culturelles des universités sont inexistantes. C'est pourtant le moment où s'ancrent les habitudes adultes. Or, les bibliothécaires, les libraires, soulignent tous que les jeunes adultes décrochent : rien n'est prévu pour eux entre le coin réservé à la littérature enfantine et les rayonnages des adultes. L'enjeu est, à mon sens, de taille.
Nous ne pouvons extraire des informations par déciles, car cela supposerait de suivre une cohorte. Pour la première fois, une enquête panel a été lancée conjointement par l'Ined et l'Insee. C'est le seul moyen de mesurer si ceux qui partent avec peu de bagage parviennent à l'enrichir.
Sur les questions territoriales, nous avons des éléments, mais les réponses ne sont pas simples. Le taux des pratiques a longtemps varié selon la taille des agglomérations, puis on a assisté, entre 1973 et 2008, à un rattrapage des petites villes et des campagnes : sous l'effet de l'aménagement du territoire, l'écart avec la moyenne nationale s'est réduit. Ceci s'accompagne, cependant, d'un renforcement de la spécificité de Paris, marquée par un surinvestissement culturel, en raison de la structure de sa population, qui change sous la pression des loyers, et d'importants aménagements.