Intervention de Nicole Bricq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Projet de programme de stabilité. communication

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure générale :

Le programme de stabilité revêt une importance particulière car la trajectoire budgétaire de la France s'inscrit dans les débats de la campagne électorale. Il est surtout le premier depuis l'importante réforme de la gouvernance budgétaire européenne, le pacte de stabilité comportant désormais un régime de sanctions durci.

Les programmes de stabilité adressés aux autorités européennes s'ajoutent aux programmations triennales annexées aux projets de loi de finances et aux lois de programmation des finances publiques. Il s'agit ici du deuxième programme de stabilité élaboré dans le cadre du « semestre européen ».

Le Sénat a pris une part importante à l'élaboration du cadre juridique français, à travers l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, ainsi que par l'adoption d'une résolution européenne sur les observations de la Commission européenne sur le programme de stabilité 2011-2014. On ne sait pas encore à quelle date la Commission rendra son avis cette année, mais l'élection présidentielle française changera la donne et un nouveau programme sera rédigé en cas de changement de majorité.

Ces débats sont essentiels pour définir le cadrage budgétaire dans lequel s'inscrivent les lois financières annuelles, même si le Gouvernement n'en tient pas toujours compte. L'année dernière, Philippe Marini avait recommandé, dans son rapport sur le projet de programme de stabilité, de prendre 10 milliards d'euros de mesures complémentaires pour respecter la trajectoire de solde, mais le Gouvernement n'a pas inclus de telles mesures dans le collectif budgétaire de juin 2011 et a dû présenter le « plan Fillon » à la fin du mois d'août.

Trois des textes du paquet gouvernance, le Six-pack, réforment le pacte de stabilité et deux mettent en place des procédures de surveillance et de correction des déséquilibres macroéconomiques, avec à chaque fois un volet préventif et un volet correctif, ainsi que des sanctions à caractère plus ou moins automatique.

Les règles européennes distinguent selon que le niveau de déficit d'un Etat est supérieur ou non à 3 points de PIB.

Si le déficit est supérieur à 3 points de PIB, le volet correctif autorise le Conseil à décider à la majorité qualifiée « ordinaire » d'une amende de 0,2 point de PIB lorsqu'un Etat n'a pas pris de « mesures suivies d'effet ». La Belgique a ainsi dû prendre des mesures complémentaires en début d'année et l'Espagne a accepté le 12 mars dernier une nouvelle trajectoire de son solde. Si le déficit est inférieur, le volet préventif prévoit que les Etats doivent fixer dans leur programme de stabilité un objectif de solde structurel à moyen terme (OMT) et s'en approcher d'au moins 0,5 point de PIB par an ; l'OMT retenu par le projet de programme de stabilité est l'équilibre structurel. Le volet correctif dispose que les Etats, à compter de la quatrième année suivant le retour en deçà du seuil de 3 %, doivent réduire d'un vingtième chaque année leur excédent de dette par rapport au seuil de 60 % du PIB.

La question se pose de la « durée de vie » du programme de stabilité : couvrant la période 2012-2016, il n'a de valeur que si l'actuelle majorité présidentielle est reconduite. Ses choix sont en effet incompatibles avec ceux du principal candidat de l'opposition, puisque François Hollande s'est engagé à un retour à l'équilibre en 2017 et non en 2016. De même, le candidat Sarkozy fixe le taux de croissance des dépenses publiques à 0,4 %, contre 1 % pour le candidat Hollande.

Madame Valérie Pécresse, ministre du budget, a introduit une certaine confusion en qualifiant devant nous ce programme, qui décline le programme de Nicolas Sarkozy, d' « engagement de la France ». Ce n'est pas exact. L'engagement de la France est de revenir sous les 3 points de PIB en 2013 (c'est même une obligation très stricte) ; c'est aussi de rapprocher le déficit structurel de son OMT de 0,5 points de PIB par an puis, à partir de 2017, de réduire l'excédent du ratio dette/PIB d'un vingtième par an. Cela n'a rien à voir avec le partage entre recettes et dépenses, non plus qu'avec la date du retour à l'équilibre.

Il peut donc y avoir un nouveau programme en cas de changement de majorité. Le Conseil se prononcera en juillet sur un programme de stabilité qui ne serait pas d'actualité si tel n'était pas le cas.

Le Gouvernement se comporte de façon ambiguë, cavalière même vis-à-vis du Parlement et des électeurs : le document qui nous a été transmis et que Bercy a mis en ligne ne mentionne nulle part la possibilité de modifications pour tenir compte de remarques formulées par le Parlement et fait comme s'il n'y avait pas d'élections. Il serait plus clair et plus honnête d'imiter les Finlandais qui, l'année dernière, ont transmis un programme de stabilité « sous réserve » des résultats des élections. Je proposerai d'insérer dans le programme une formule en ce sens.

Quel est le contexte du programme du Gouvernement ? Avant 2010, les programmations de solde public étaient fantaisistes, comme le montrent nos tableaux. L'objectif de déficit fixé par la programmation n'est atteint en exécution que depuis deux ans : en 2010, 7,1 % au lieu de 7 % ; en 2011, 5,2 % au lieu de 5,7 %.

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