Elle ne dépend pas que de nous, c'est la raison pour laquelle j'ai évoqué les difficultés de l'Espagne, qui a manqué sa cible du fait notamment que les communautés autonomes n'ont pas réalisé les économies prévues. Le 12 mars, l'Eurogroupe lui a fixé une nouvelle trajectoire mais les craintes des investisseurs n'ont pas disparu. Comment la solidarité européenne jouera-t-elle si la situation s'aggrave ? Nous devons en tirer des leçons, et calibrer nos trajectoires de manière réaliste, plutôt que d'élaborer des engagements intenables.
Les grands équilibres du programme de stabilité sont les suivants : l'équilibre serait atteint en 2016 - le candidat Nicolas Sarkozy promet même un excédent de 0,5 % du PIB en 2017. Le taux de prélèvements obligatoires culminerait en 2016 à 45,8 %, contre 46 % prévus en novembre dernier. Le ratio de dépense publique ne cesserait de diminuer.
Les ministres du budget et des finances communiquent sur un programme de consolidation de 115 milliards d'euros qui prend en compte les mesures prises en 2011 et en 2012, alors que la trajectoire doit être examinée sur les années pour lesquelles les mesures ne sont pas encore prises, c'est-à-dire pour la période 2013-2016. Si l'on prolonge la trajectoire en retenant l'objectif 2017 retenu par le candidat soutenu par le Gouvernement, on obtient un plan de 100 milliards d'euros sur cinq ans, reposant à 80 % sur les dépenses (75 % si on s'arrête en 2016). Or, un ajustement reposant à 80 % sur les dépenses paraît peu vraisemblable en France.
Pour atteindre l'équilibre en 2016, il faut réduire le déficit de 90 milliards d'euros entre 2013 et 2016, puisque le déficit fin 2012 sera de 4,5 points de PIB, soit 90 milliards d'euros. Or, la programmation du Gouvernement ne prévoit pour ces années-là que 63,5 milliards d'euros de consolidation budgétaire. Il y a donc des impasses dans sa programmation et un sous-calibrage des économies à réaliser sur les dépenses. Je ne suis pas la seule à le dire. L'Institut Montaigne et l'Institut français des entreprises pensent la même chose du programme du candidat Sarkozy.
En effet, pour respecter l'objectif de limiter la progression des dépenses à 0,4 % en volume par an, il serait nécessaire de réaliser 18 milliards d'euros d'économies par an pendant quatre ans, soit environ 70 milliards d'euros ; le Gouvernement n'en annonce que 50 milliards. En recettes, il faudrait 20 milliards d'euros de hausses de prélèvements obligatoires ; on détaille moins de 15 milliards d'euros (5 milliards déjà votés, 8 milliards de nouvelles mesures nettes) : il manque au moins 5 milliards d'euros.
Réaliser 80 % de l'effort sur les dépenses constitue-t-il véritablement un objectif ? Le flou sur l'ampleur des économies à réaliser sur les dépenses s'explique par les risques que de telles économies pourraient faire courir aux services publics. S'agit-il d'éviter d'afficher l'ampleur des hausses de prélèvements à venir ? Dans ce cas, en effet, il n'est pas utile de documenter des économies que l'on n'a pas l'intention de réaliser...Vraisemblablement, le Gouvernement joue sur l'ambiguïté et communique sur son plan 2011-2016 pour éviter d'avoir à expliquer les ambigüités de sa programmation 2013-2017. La Commission et les analystes le verront aussi bien que moi.
Une programmation plus réaliste consisterait à répartir l'effort entre 50 milliards d'euros pour la dépense et 40 milliards pour les recettes. Dans mon rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, j'avais proposé une trajectoire de retour à l'équilibre différente de celle du Gouvernement, me fondant sur des estimations prudentes. L'objectif de retour à l'équilibre était 2017 et non 2016, conformément au calendrier du candidat que je soutiens ; à partir d'une estimation de déficit prudente de 5 points de PIB, l'effort à réaliser s'établissait à 100 milliards d'euros, avec une hypothèse de croissance de 2 % pour le PIB et de 1 % pour les dépenses publiques. J'actualise aujourd'hui cette trajectoire en conservant les mêmes hypothèses de croissance du PIB et des dépenses publiques : l'effort global nécessaire étant plutôt de 90 milliards d'euros, celui sur les recettes passe de 50 à 40 milliards d'euros. Cette version, plus équilibrée et plus crédible que celle du Gouvernement, est plus susceptible de susciter la confiance ; elle évite le risque d'augmentation autoréalisatrice des taux de notre dette. C'est celle que je propose de retenir dans le rapport et qui ménage des marges de manoeuvre pour appliquer un programme.