Intervention de Didier Payen

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 28 mars 2012 : 1ère réunion
La vie chère outre-mer : une fatalité — Audition de Mm. Alain Vienney délégué général de la fédération des entreprises d'outre-mer fedom et didier payen président de l'association des moyennes et petites industries de la guadeloupe

Didier Payen, président de l'Association des moyennes et petites industries de la Guadeloupe :

L'article 73 donne une possibilité d'adaptation qui, à mon avis, n'est pas assez utilisée, notamment dans le cadre du grand marché antillais.

Le problème des prix dans les DOM est lié à plusieurs facteurs : l'éloignement géographique, l'insularité, le rattachement fiscal et normatif à la métropole et le problème de l'application de la réglementation de l'Union européenne.

Si l'octroi de mer fonctionnait comme la TVA, nous pourrions réexporter les produits en récupérant l'octroi de mer que nous aurions acquitté au moment de l'importation. C'est pour le moment impossible. Il y a également une problématique de fiscalité indirecte dans les DOM, encore accentuée récemment par la taxe sur les boissons gazeuses. Cette fiscalité constitue un millefeuille qui majore les prix à la consommation.

L'étroitesse du marché explique la présence de plusieurs monopoles et oligopoles. Pour les carburants, le décret n'encadre que le prix de vente au public et pas la fourniture en matière première de la SARA. Or, il y a une différence de prix entre le Brent et le WTI (West Texas Intermediate) du Golfe du Mexique, où se fournit la SARA. L'indexation du prix est fixée sur le Brent, alors qu'il est plus cher. Son spread avec le WTI atteint 18 dollars le baril. Cette indexation sur le Brent est donc absurde. Un spread de 15 dollars par baril correspond à 45 millions d'euros par an sur la consommation de Guadeloupe, 90 millions d'euros sur la totalité des Antilles et 125 millions d'euros si l'on inclut la Guyane.

Cette question est d'autant plus importante que les ultramarins n'ont pas d'autre choix, étant donné la pauvreté de l'offre de transport public, que de prendre leur voiture. Il faudrait créer une mise en concurrence au niveau de l'approvisionnement des matières premières entrant dans la composition des carburants.

Je voudrais par ailleurs vous appeler à la prudence sur l'idée de constituer de grosses unités logistiques mutualisées d'approvisionnement car il faut un équilibre entre la rationalisation des circuits en vue de réaliser des économies d'échelle et une trop forte dépendance envers un passage obligé.

Le problème est aussi qu'il n'y pas les mêmes exonérations de charges sociales pour les entreprises de plus de 10 salariés.

Les délais de paiement prévus par la loi de modernisation de l'économie (LME) peuvent également induire des surcoûts. Il faut au minimum 15 jours de mer entre la métropole et les Antilles et 60 jours de stock pour tenir compte des aléas d'approvisionnement. Or, la LME autorise en crédit local 60 jours. Par conséquent, même en bénéficiant du maximum du taux autorisé par la LME, il reste au minimum 75 jours à financer. Tout cela induit des coûts financiers payés par le consommateur, qui sont d'ailleurs majorés par les taux supérieurs pratiqués par les banques outre-mer.

En outre-mer, quelqu'un qui utilise beaucoup son véhicule peut être conduit à dépenser 150 euros par mois pour son carburant, sur un total de 1 500 euros nets, soit 10 % du revenu disponible. À cela s'ajoutent les dépenses indispensables à la vie moderne, téléphonie mobile, internet, télévision par satellite, etc., qui sont deux fois plus élevées qu'en métropole.

S'agissant de la défiscalisation, je pense que les excès qui ont pu être faits de ces dispositifs ne doivent pas en masquer l'intérêt économique. Je rappelle que la performance économique des DOM a été remarquable ces vingt dernières années et que la création d'emplois a été deux fois plus rapide qu'en métropole. Il faut prendre tout cela en compte si on veut modifier le régime d'aides actuel.

Le prix du tabac pose également problème. En Guadeloupe, en 11 ans, le prix du tabac a augmenté de 3 200 %, ce qui l'a rendu plus cher qu'au niveau national en raison des taxes votées par le conseil général. Comme nous sommes dans une zone où les prix pratiqués par nos voisins sont cinq fois moins élevés, la moitié de la consommation est en réalité de la contrebande. Cela a abouti à l'effondrement du marché et des recettes fiscales. C'est l'exemple flagrant de ce qui est contreproductif.

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