On est en France où l'interdisciplinarité est loin du modèle anglo-saxon, même si elle a progressé au CNRS. Chimie, physique et biologie sont souvent combinées avec profit. C'est important, tant la physique joue un rôle important dans les processus chimiques. Voyez le travail sur le solaire à Saclay.
La vocation de l'industrie chimique est de produire. Quand je travaillais chez Roussel-Uclaf, j'ai constaté, alors même que notre direction était très sensibilisée à toutes les questions de sécurité, que la question des rejets de médicaments dans l'eau n'était pas posée.
Quant aux toxicologues, le problème français est surtout le désamour à leur encontre. Pour les industriels, ils sont un peu comme une épine dans le pied : nous n'étions que quatre chez Roussel, pour trois cents chercheurs ! Alors qu'il est toujours important de rechercher des effets secondaires comme ceux dont a été victime un de mes collègues travaillant sur la folliculine - on dit aujourd'hui « oestradiol » - ce qui suppose des pesées très précises de produits qu'il manipulait avec les doigts. Peu à peu, la voix de ce collègue a mué, sa poitrine s'est arrondie. Le médecin du travail a décelé qu'il s'était intoxiqué à la folliculine du fait de son habitude de se ronger les ongles. C'était il y a quarante ans : un médecin du travail précurseur de la découverte des perturbateurs endocriniens, en somme !
La toxicologie n'a jamais eu bonne presse. Peu de chimistes s'intéressent la toxicologie. A la commission sur la dioxine de l'Académie des sciences, où j'ai travaillé avec le Pr.Truhaud, nous n'étions que deux à la juger dangereuse. Nous avons également été accusés par nos collègues d'être les « fossoyeurs de la chimie » pour avoir dénoncé la dangerosité du benzène. Dès que l'on s'intéressait à la toxicologie, on était banni comme le vilain petit canard. A la différence de l'épidémiologie, la toxicologie est très mal vue en France