Intervention de Daniel Lebègue

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 20 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Daniel Lebègue président de transparence international france

Daniel Lebègue, président de Transparence International France :

Je comprends l'idée que vous avancez ; elle est ambitieuse et généreuse, mais on en est très loin.

L'idée que l'impôt, la gestion du budget et l'administration de la justice restent des attributs inaliénables de la souveraineté nationale est extrêmement forte, y compris en Europe. Les conditions ne sont malheureusement pas réunies pour aller dans la direction que vous indiquez.

Les magistrats avaient demandé de manière plus ponctuelle et, d'une certaine manière, plus modeste un vrai mandat d'arrêt international et européen, qui leur permettrait de mener leurs investigations dans tous les pays dans les mêmes conditions. M. Van Ruymbeke a une ou deux fois essayé d'obtenir des informations auprès de la justice britannique ; deux ans après, il n'a toujours pas obtenu de réponse. L'existence d'un mandat d'arrêt européen et international permettrait d'accélérer le cours de la justice.

Un magistrat avait même évoqué, dans le cadre de l'appel de Genève, me semble-t-il, la création d'un procureur européen auprès de la Cour de justice de l'Union européenne.

Toutefois, il ne faut pas penser que ce n'est qu'à ce prix que l'on pourra progresser. Si la coopération entre les États fonctionnait réellement au niveau européen et au niveau international, on pourrait tout à fait atteindre les objectifs qui sont les nôtres.

Par exemple, concernant les détournements qui ont pu être opérés par les dirigeants ou d'anciens dirigeants corrompus en Tunisie ou en Égypte, toutes les procédures existent, dans les traités internationaux, pour geler, séquestrer et restituer au pays d'origine les avoirs détournés. On a signé une convention des Nations unies contre la corruption, dont l'article 57 organise la restitution. Juridiquement, la France est tout à fait en mesure de rendre l'argent détourné par M. et Mme Ben Ali et leur famille à la Tunisie. Simplement, les procédures sont lentes, lourdes, compliquées ; il faudrait effectivement prévoir des modes opératoires plus simples.

Mais, pour conclure, je tiens à dire que nous allons gagner cette bataille. Dans le monde entier, les États et les gouvernements ont pour objectif, parfois pour premier objectif, de réduire les déficits et les dettes publics. Or cela n'est pas possible si on laisse ouverte la porte de la fraude et de l'évasion fiscales au niveau international. Comment demander aux citoyens, dont les uns sont aisés, mais les autres pas du tout, de faire des efforts, quels qu'ils soient, si l'on ne traite pas ce problème ?

Je connais bien Mario Monti, un homme éminemment respectable, dont l'approche est libérale. Je ne sais pas si vous avez noté quel a été son premier acte lorsqu'il a été nommé président du Conseil italien. Il a envoyé la veille de Noël à Cortina d'Ampezzo, la principale station de sports d'hiver dans laquelle se rendent notamment les Italiens les plus fortunés, la brigade fiscale et la brigade douanière. Deux cents agents de la force publique sont venus repérer les propriétés immobilières et les voitures de luxe et ont rendu visite à un certain nombre de banques. C'était la condition pour mener son action au niveau national : il allait demander des efforts considérables au peuple italien. Personne ne pourra rester, me semble-t-il, à l'écart de cette démarche.

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