Intervention de Louis Duvernois

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 20 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Laurent Gathier secrétaire général et vincent drezet secrétaire national du syndicat snui-sud trésor solidaires

Photo de Louis DuvernoisLouis Duvernois :

Je voudrais vous poser deux questions de portée générale.

Vous avez évoqué à plusieurs reprises la nécessité, de votre point de vue, de créer un observatoire des délocalisations fiscales.

Nous vivons à l'ère de la mondialisation, qui entraîne non seulement le développement économique ou les délocalisations, mais aussi la mobilité internationale.

Je prendrai un exemple. Les communautés françaises expatriées à l'étranger augmentent d'année en année de 5 % sur une population d'un peu plus de 2 millions, ce qui est un chiffre considérable. L'inquiétude monte au sein de ces communautés, car des amalgames sont régulièrement faits dans la presse, qui ne maîtrise pas toujours - c'est le moins que l'on puisse dire ! - ces questions de haute technicité que vous venez d'évoquer.

Dans leur immense majorité, ces populations s'expatrient de façon totalement volontaire. Je ne dispose pas de statistiques précises, mais je dirai que peut-être 1 % de ces nouveaux expatriés sont des évadés fiscaux. Et la proportion est peut-être moindre. Sur une population de cette importance, un chiffre aussi faible doit nous conduire à nous interroger.

Nous avons signé 134 conventions fiscales, avec autant de pays. Ces 134 pays seront bientôt 135, avec Andorre. Ces textes ont pour but de légaliser la présence de nos compatriotes à l'étranger, mais aussi de les protéger en vertu de la règle excluant la double imposition. La France est naturellement signataire de bonne foi de ces conventions fiscales.

Lorsque l'on vous écoute, on entend les expressions suivantes : « faute d'outils pour contrôler ou assurer un suivi » ; « manque d'informations » ; « difficultés d'accès à l'information »... Ce ne sont pas mes termes, ce sont les vôtres ! Vous avez dit également que l'outil restait à construire.

Compte tenu de vos remarques et de l'analyse que vous faites de la situation, doit-on considérer que tous les services et unités administratives que vous avez cités ne travaillent pas nécessairement en synergie, et qu'il en va également ainsi à l'intérieur d'un service lui-même très centralisé, au sein du ministère de l'économie et des finances, et qui est, me semble-t-il - mais peut-être mon interprétation est-elle abusive -, assez jaloux de ses prérogatives ?

Vous avez dit en effet, et cela m'a paru important, qu'il n'appartenait pas uniquement à Bercy de gérer l'observatoire des délocalisations fiscales, mais qu'il convenait aussi, dans la République qui nous gouverne, que la Cour des comptes et le Parlement le contrôlent. La création d'un tel observatoire représenterait-elle une réelle avancée ?

J'en viens à ma deuxième question.

Souvent, en France, lorsqu'on est à court d'idées, on copie les Américains. J'ai vécu longtemps aux États-Unis et je pourrais vous citer de multiples exemples en ce domaine. Ainsi s'est-on mis en tête d'imiter l'exit tax, mais « à la française ».

En effet, comme l'a rappelé précédemment l'un de mes collègues, l'exit tax appliquée stricto sensu, c'est-à-dire à l'américaine, ne correspond pas à la culture nationale française. On pourrait importer un système aussi contraignant pour les particuliers, et non, cela a été dit, pour les entreprises, qui sont soumises à un autre système d'imposition.

J'entends ici ou là, et ce sujet a également été abordé au sein de cette commission d'enquête, notamment face à d'autres intervenants, que la question de la nationalité n'apparaît pas dans le droit fiscal français puisque l'imposition a toujours lieu là où sont perçus les revenus ; je parle sous votre contrôle !

En introduisant la clause ou l'élément appréciatif nouveau de la nationalité, ne risque-t-on pas de modifier sensiblement l'esprit et les conditions d'application de la fiscalité sur notre territoire ?

En effet, comme je l'expliquais, nombre de nos concitoyens s'expatrient volontairement, pour des raisons tout à fait légitimes, essentiellement économiques ou de réorganisation de leur projet professionnel. Ils sont alors soumis à la règle de l'absence de double imposition, au terme des conventions fiscales signées avec les pays dans lesquels ils s'installent.

Si jamais on introduit cette idée de la nationalité dans notre droit fiscal, n'aura-t-elle pas, à l'avenir, des conséquences ou des incidences que l'on peut imaginer dommageables, à terme, pour l'économie de notre pays ?

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