À la DNVSF, on rencontre assez souvent des personnes qui délocalisent fictivement leurs activités dans des sociétés étrangères alors que ces activités continuent d'être exercées en France. La Direction nationale des enquêtes fiscales, qui travaille sur le terrain, nous renseigne sur un certain nombre de fausses délocalisations. Ce sont, bien souvent, des activités individuelles, libérales ou commerciales, exercées en France et faussement imputées à une coquille vide qui peut être logée dans un pays limitrophe. Ce montage, assez basique, est relativement fréquent.
Pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, le montage « franco-français » typique, qui ne relève pas à proprement parler de l'évasion, fait intervenir des techniques de déqualification des revenus en plus-values. C'est notamment le cas pour tout ce qui concerne la rémunération des dirigeants, avec des montages de type LBO (Leveraged Buy-Out ou acquisition d'une entreprise au moyen d'un emprunt). Les contribuables essaient, dans ce qu'ils pensent être le cadre de la loi, d'échapper au barème progressif pour être imposés au barème proportionnel.
Les techniques d'effacement du revenu ont eu pour objectif d'éviter d'en percevoir pour pouvoir bénéficier au maximum du bouclier fiscal : c'est un peu daté, puisqu'il a désormais été supprimé, ainsi que le plafonnement. Soit on se distribue des dividendes jusqu'à l'année considérée et puis, quand arrive le bouclier, on cesse la distribution de dividendes - qu'on laisse dormir dans la « cagnotte » - et on profite pleinement du bouclier. Soit on fait de la location meublée et on n'enregistre que des pertes.
En ce qui concerne à présent l'ISF, le but de certains contribuables qui veulent se livrer à de l'optimisation est d'éviter que l'essentiel de la valeur patrimoniale, qui est constituée par des titres de sociétés de famille, ne soit taxée à l'ISF. Leur objectif est alors de faire en sorte qu'elle soit considérée comme un bien professionnel. Dans cette hypothèse, certaines personnes très âgées continuent - en tout cas sur le papier ! - à être opérationnelles dans leur entreprise jusqu'à la fin de leur vie pour éviter la taxation à l'ISF et pour que leurs titres puissent continuer à être considérés comme des biens professionnels.
La chose est difficile à démontrer, faute de pouvoir suivre ces personnes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Leur entourage leur fait signer, à leur domicile si besoin est, les procès-verbaux de conseil d'administration. Comme ces documents constituent une preuve administrative, ils sont produits devant le juge pour démontrer que la personne continue à être aux affaires et à assister aux assemblées générales.
Il faut ajouter les mécanismes d'évasion qui s'organisent autour du démembrement de propriété afin échapper notamment à l'ISF, avec des donations préalables à des cessions de titres en vue de se soustraire à la plus-value. Le schéma est simple : vous êtes en train de discuter de la vente des titres de votre entreprise, PME ou grosse société. Au moment où les accords peuvent se conclure, vous donnez les titres à vos enfants pour la valeur à laquelle ils vont être cédés. Ils sont ensuite vendus, faisant ainsi disparaitre la plus-value. En effet, cette dernière est, en principe, à la charge des enfants : or ils sont devenus propriétaires des titres pour la valeur à laquelle ils ont été vendus. Une telle opération est a priori conforme au droit en vigueur.
L'essentiel de notre travail consiste à essayer, par exemple en produisant des lettres d'accord ou d'intention, de démontrer que la cession a eu lieu avant la donation. Mais, dès lors que les conseillers fiscaux sont conscients du danger de redressement et prennent des précautions, la preuve est très difficile à établir.
Les apports avec cession constituent encore une autre technique. On apporte les titres que l'on possède à une société que l'on crée. Or les plus-values d'apports ne sont pas taxables : c'est du report d'imposition. L'entreprise ainsi créée, après avoir récupéré les titres, les cède. Au final, tout se passe comme si des liquidités étaient transférées à la nouvelle structure, sans plus-value imposable.
J'ajouterai à cette liste de procédés de contournement de l'impôt, les délocalisations dont j'ai parlé en préambule, celles des personnes physiques qui veulent échapper aux droits de succession ou à la taxation des plus-values.