Avant de vous répondre, je voudrais revenir sur la liste des 3 000 noms. J'ai, en effet, omis de préciser que, dans le cadre de notre action, nous avons déposé 27 plaintes au pénal à l'encontre de ceux qui étaient véritablement en situation de fraude active. Si nous l'avons fait, c'est parce que nous percevions une opposition du contribuable et que nous ne disposions pas de tous les moyens de prouver la fraude, la liste n'ayant pas valeur probante en tant que telle. Nous avons dès lors porté plainte afin que la police judiciaire, la Brigade nationale de répression de la délinquance financière et fiscale, amène les éléments nous permettant de procéder ensuite à des redressements et de pénaliser le contribuable. Car, évidemment, toutes ces affaires ont donné lieu au paiement de pénalités qui demeurent importantes, au-delà de la transaction intervenue sur un certain montant.
Pour en venir à votre question, monsieur le sénateur, la baisse du rendement des contrôles de la DNVSF s'explique par plusieurs raisons.
La première raison, essentielle, se rattache à notre organisation interne. Nous avons eu beaucoup de difficultés de programmation, car nous peinions à être alimentés en affaires comme par le passé. La procédure de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, qui était initialement l'apanage de notre direction, a été progressivement étendue à l'ensemble des directions territoriales, lesquelles directions se sont saisies de l'outil et ont sans doute été conduites à conserver parfois certaines affaires au lieu de nous les transmettre. Sur le plan national, je ne pense pas que le rendement des EFSP ait forcément baissé.
Deuxième raison, nos méthodes, notamment la domiciliation, commencent à être connues. Les contribuables s'adaptent...
Troisième raison : le plus gros du « chiffre », nous le faisions souvent sur les établissements stables, c'est-à-dire sur l'activité faussement exercée de l'étranger, alors qu'elle l'était, en fait, sur notre territoire. Dans ce cadre, nous traitions de dossiers dont l'enjeu était souvent très important, mais qui ne relevaient pas forcément de la vocation de la DNVSF, notamment lorsqu'il s'agissait d'activités industrielles. Ces affaires, nous les avons un peu perdues, d'abord, parce que les entreprises évitent désormais de tomber dans ce piège, et ensuite parce que ces dossiers ont été réorientés vers les directions régionales plus spécialisées en matière d'impôts commerciaux.
Quand j'ai pris la tête de la DNVSF, nous avons mené, conjointement avec le directeur général, une réflexion sur le devenir de la direction dont j'ai la charge et sur la façon dont elle pouvait couvrir le portefeuille des dossiers à très fort enjeu dont l'Inspection des finances parlait. Au terme de cette réflexion, il est apparu que nous avons fait des progrès extrêmement importants dans la connaissance de ces dossiers. Au cours des premières années, le contrôle triennal a été très efficace ; il le reste, mais, pour passer à un palier supplémentaire sur les très gros dossiers, les dossiers extrêmement complexes, il fallait spécialiser des équipes, notamment au sein de la DNVSF.
La réponse est la suivante : nous allons maintenant déployer tout notre savoir-faire sur ces dossiers qui normalement n'auraient pas dû nous échapper, mais que nous ne pouvions traiter à la fois en raison de l'organisation antérieure et parce qu'ils sont, en général, très bien tenus. Il était fort compliqué de déclencher un examen contradictoire de situation fiscale personnelle sans motif. À un certain niveau, très souvent, ce n'est pas à l'échelon de la personne physique que les problèmes se posent. Il faut descendre dans ce qui est appelé le « râteau patrimonial », les sociétés holding, les sociétés civiles de portefeuille, les sociétés civiles immobilières.
La nouvelle approche, que j'ai proposée et que le directeur général a validée, vise à s'attaquer de manière encore plus professionnelle à ces dossiers afin de comprendre la stratégie patrimoniale globale pour la remettre en cause. Cette stratégie peut être inattaquable, si la personne a profité de tout ce que la loi l'autorise à faire sans jamais franchir la « ligne jaune ». Il peut aussi apparaître que le montage est inacceptable, qu'il relève de l'abus de droit, voire de la fraude, et là, on peut le critiquer. Mais, pour cela, il faut, au-delà de la simple vérification de la personne physique, aller vérifier les sociétés.
Nous aurons maintenant, c'est une nouveauté, la possibilité de procéder aussi au « contrôle du bureau » pour ces dossiers, qui se conjuguera avec du contrôle sur pièces des structures. Nous pourrons également examiner l'ensemble des impôts - impôt sur le revenu et impôts patrimoniaux, droits de succession, ISF, droits de donation, etc.
À un certain niveau de richesse, la stratégie patrimoniale vise principalement à minimiser les droits d'une succession future, ce qui se conçoit, car ces impôts sont extrêmement lourds. Quand les patrimoines sont très importants, cela vaut la peine de se pencher, de son vivant, sur les droits de succession plutôt que de chercher une légère optimisation de l'ISF dont le taux est entre 1 et 1,5. Or, après un décès, c'est entre 40% et 60 % d'un patrimoine constitué sur plusieurs générations qui peut, d'un seul coup, être prélevé par l'État. Il faut comprendre cette stratégie, et en se replaçant du vivant de la personne. Au moment du décès, les choses sont figées. La situation juridique qui avait été prévue remonte peut-être à quinze ou vingt ans.
Nous mettons en oeuvre cette nouvelle méthode pour essayer de passer à la vitesse supérieure et être encore plus efficaces sur ces dossiers, alors que le contrôle triennal nous a déjà fait gagner en efficacité. Nous allons tenter de passer un cran au-dessus !