Qu'ils soient devenus plus professionnels, c'est certain, mais la situation s'est complexifiée pour diverses raisons. D'abord, du fait des règles européennes et parce que les frontières ont moins de consistance : tout est ouvert, et la souveraineté nationale a du mal à s'exercer sur un territoire ou un peuple. Mais la remarque vaut pour des activités autres que fiscales. C'est un vrai sujet en soi que celui de la mobilité géographique des capitaux et des hommes, qui finit par déborder l'administration d'un seul pays.
Ensuite, les lois sont complexes et s'empilent. Je sais que je m'exprime devant la représentation nationale, mais je vous donne mon sentiment. Ces lois donc ne sont jamais simples et prévoient toujours des exonérations, des exceptions, des cas particuliers et, au fur et à mesure qu'elles s'empilent et se combinent, des interstices s'ouvrent. Les lois peuvent en ouvrir mais leur combinaison en ouvre plus encore. Les spécialistes en la matière vont trouver la faille que personne n'avait imaginée - ni les fonctionnaires de Bercy, à l'origine de la conception législative, ni vous-mêmes, législateurs. On a beau tout scruter, le code général des impôts est inépuisable. Cette complexité législative joue beaucoup, de même que les règles européennes et la libre circulation.
J'ajouterai tout ce qu'a apporté la jurisprudence. Quand j'ai débuté ma carrière, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes n'existait pas dans le paysage fiscal. Jamais un contentieux ne remontait jusqu'à elle ! Maintenant, les contentieux fiscaux sont innombrables et il existe des dispositifs français sur lesquels les conseils trouvent des failles uniquement parce que telle disposition concernant un dispositif, néerlandais ou autre, à peu près comparable au nôtre, a été remise en cause. On nous oppose donc la jurisprudence défavorable au système néerlandais, pour mieux nous faire comprendre que nous sommes voués à l'échec et qu'il nous faut abandonner notre redressement.
Bien sûr, par hypothèse, cela ne concerne pas que la France, car, s'il s'agit d'un texte français, nous le maîtrisons convenablement. Il en va différemment quand il s'agit, par exemple, d'une taxe étrangère comme celle, fameuse, que Mme Thatcher voulait instituer en matière d'impôts locaux : la décision de casser le dispositif peut rejaillir sur notre taxe d'habitation aux termes de tel ou tel article du Traité de Rome !
Bref, toutes ces jurisprudences, sans parler de celle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a beaucoup d'incidence sur le plan fiscal, sont venues rajouter à la complexité. Nous sommes confrontés à un énorme empilement de textes dans un environnement totalement mouvant et le résultat est complexe.