Vous soulevez là des problèmes essentiels.
Notre rôle n'est pas de diriger le crédit vers certains secteurs de l'économie, comme le ministère de l'économie et des finances a pu le faire à une époque. Nous devons juste veiller au respect des règles de gestion saine et prudente, en vertu desquelles les banques doivent faire correspondre fonds propres et risques, et mettre en place des dispositifs de détection des opérations suspectes. Nous devons être sûrs, lorsque des risques sont pris, que des mécanismes existent pour les limiter ou que des mesures correctrices sont prises dès lors que la cote d'alerte est dépassée.
Par ailleurs, il n'y a pas, pour l'instant, d'autorisation à nous demander pour créer une filiale ou une succursale à l'étranger. En fait, l'autorisation est donnée par le pays d'implantation. En revanche, nous devons nous assurer, a posteriori, qu'il est possible de mesurer les risques qui sont pris par cette filiale ou cette succursale et que l'établissement concerné dispose de fonds propres ou de mécanismes de sécurité interne suffisants. Par exemple, nous essayons de vérifier que la direction centrale a accès à certaines informations localement. À cet égard, nous demandons aux établissements de nous signaler toute difficulté qu'ils pourraient rencontrer à l'étranger. Ce faisant, nous nous efforçons de les responsabiliser sur le fait qu'ils doivent effectuer eux-mêmes les démarches pour acquérir les informations et analyser les risques pris dans chaque activité à l'étranger. Les banques doivent prendre conscience qu'il ne faut pas qu'elles se lancent dans l'action les yeux bandés.
Ensuite, vous m'avez interrogé sur l'impact d'une éventuelle interdiction législative de ces installations. Évidemment, il y aurait des conséquences puisque tous les concurrents continueraient à s'installer. Si les banques recourent à ce type de pratiques, c'est qu'elles y trouvent un bénéfice économique, bénéfice qu'il est difficile de mesurer exactement a priori. Mais il est clair que, pour des banques françaises qui sont très internationalisées, l'impact serait sérieux, la concurrence avec les autres établissements étant déséquilibrée. Encore une fois, je parle ici avec beaucoup de prudence, car il est difficile pour un contrôleur de s'aventurer lorsqu'il ne dispose pas d'éléments précis.
En revanche, si, comme la France l'a toujours soutenu politiquement, une action concertée au niveau international se mettait en place, l'activité économique ne serait pas pénalisée. En effet, si la localisation peut donner des avantages en termes de coûts, donc de prix servis à la clientèle, et, partant, de compétitivité, elle n'est pas en elle-même nécessaire pour la création de l'activité économique.
S'agissant des règles imposées par Bâle III, je pense que la difficulté ne tient pas tant au niveau des fonds propres qu'à la liquidité. Il faut savoir que les collectivités locales ont une pondération favorable en ce qui concerne les règles de fonds propres. Le problème est - vous l'avez vu pour ainsi dire en direct cet été - que la méfiance internationale a asséché la liquidité des banques françaises, lesquelles ont eu plus de mal à s'engager sur des prêts à long terme puisque leur refinancement était mis en cause. À mon sens, pendant les derniers mois, plus que de la pondération des fonds propres, les banques ont surtout souffert d'un resserrement des ratios de liquidité, lequel a entraîné cette réticence à s'engager à long terme auprès des collectivités locales.
Notre rôle est de faire appliquer les réglementations, en l'occurrence en ce qui concerne la liquidité, mais je ne dévoilerai pas un secret en disant que ces nouveaux ratios de liquidité étaient peut-être un peu excessifs à certains égards. Nous aurions souhaité que l'on permette aux banques de prendre davantage de risques de transformation, lorsqu'ils étaient de bonne qualité, ce qui est le cas pour les collectivités territoriales. Néanmoins, une fois que les règles sont prises, nous devons faire abstraction de tout jugement sur leur opportunité et veiller à ce qu'elles s'appliquent.