Intervention de Edouard Fernandez-Bollo

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 3 avril 2012 : 2ème réunion
Audition de M. Edouard Fernandez-bollo secrétaire général adjoint de l'autorité de contrôle prudentiel

Edouard Fernandez-Bollo :

Le blanchiment de délit fiscal est une nouveauté introduite par l'ordonnance de 2009 transposant la troisième directive anti-blanchiment.

Le blanchiment, qui est différent de l'évasion, suppose qu'un délit a été préalablement commis - ce peut être l'évasion fiscale comme autre chose - et que la banque concourt à masquer que les fonds viennent de ce délit. Il s'agit donc d'un délit secondaire, qui suppose un délit sous-jacent. L'ordonnance de 2009 tendait à prévoir, contre la position des banquiers, que la fraude fiscale pouvait être un de ces délits sous-jacents. Pour notre part, nous y étions favorables, estimant que ce qui est douteux est douteux et qu'il est très difficile de savoir de quel délit cela provient. Nous avons toujours dit aux banques que l'optimisation fiscale ou l'évasion fiscale ne pouvait être une cause d'exonération de culpabilité.

De manière simpliste, je dirai que, aux yeux des banques, la fraude fiscale étant moins grave que le trafic de stupéfiants, elle pouvait être plus facilement admise. Les banques acceptaient mal d'être mises en situation de dénoncer leurs clients coupables de fraude fiscale. Cela leur semblait par trop contraire à la nature de leur devoir de conseil et de préservation de leur clientèle. Au niveau international, on s'est bien rendu compte qu'un tel distinguo était délicat à faire. Lorsque quelque chose est douteux ou inhabituel, il est très difficile de sonder les coeurs et les reins pour aller retrouver le délit sous-jacent. D'un point de vue purement opérationnel, cette distinction n'a pas de sens.

Désormais, même si les banques n'ont aucun indice particulier d'un délit autre que fiscal, elles doivent mettre en action leur dispositif de lutte anti-blanchiment. Cela dit, notre expérience nous enseigne, de manière assez peu surprenante, que le nombre de déclarations fléchées « fiscal » est faible, car il est très compliqué de dire que tel délit n'est que fiscal.

TRACFIN a plus d'expérience que nous sur ce sujet, mais, pour ma part, je n'ai pas l'impression que ce nouveau dispositif ait provoqué une augmentation importante du nombre de déclarations ou, à tout le moins, que les déclarations spécifiquement fiscales soient devenues majoritaires dans la pratique des établissements français. Je rappelle que, dans beaucoup de pays, cette différence n'était pas faite. Par exemple, les Anglais, qui ont une culture de régulation différente de la nôtre, avaient inclus depuis longtemps les délits fiscaux dans les délits sous-jacents du blanchiment.

À mon sens, cette évolution de la réglementation a constitué non pas un bouleversement du paysage bancaire, mais un progrès du point de vue opérationnel. Elle a notamment contribué à créer cette culture du contrôle chez les banquiers. On ne peut que se féliciter qu'ils évitent de jouer avec les lignes et qu'ils ne cherchent plus à utiliser l'excuse fiscale pour éviter d'effectuer des déclarations de soupçon.

Vous m'interrogez également sur les sanctions. La commission bancaire, puis l'ACP en ont prononcé un certain nombre en matière de blanchiment. Je vais faire fi de mes scrupules juridiques, puisque, théoriquement, elles n'auraient pas dû être prises, en considération de l'annulation de ce pouvoir de sanction intervenue a posteriori. En ce qui concerne la commission bancaire, les sanctions anti-blanchiment sont les premières qu'elle ait rendues publiques. En effet, nous pensions qu'il y avait peut-être une contradiction à rendre publiques les difficultés financières, au risque de les aggraver, lorsque celles-ci constituaient le motif de son intervention. La publicité de la sanction peut être contraire à son effet de prévention.

En revanche, il nous a toujours semblé que, dans le domaine du blanchiment, c'était l'inverse : la publicité sert l'objectif préventif, qui est notre raison d'être. Notre mission est en effet la gestion des risques, ce qui requiert une gestion a priori.

En matière de sanction, nous sommes allés jusqu'à l'interdiction d'exercice, mais pas pour les banques. En effet, cette interdiction doit toucher une catégorie d'opérations. Or il nous eût semblé disproportionné d'interdire, par exemple, la réception de dépôts de tous les clients parce que des dépôts n'auraient pas été déclarés. Au demeurant, nous n'avons jamais été juges ; nous n'avons fait que porter les dossiers devant les juges.

Toutefois, des interdictions d'exercer ont été prononcées à l'encontre de changeurs manuels, ce qui nous paraissait moins grave, notamment par rapport aux clients, qui peuvent plus facilement changer d'opérateur.

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