Intervention de Philippe Steing

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 27 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Steing secrétaire général du haut conseil du commissariat aux comptes

Philippe Steing, secrétaire général du Haut conseil du commissariat aux comptes :

La fonction d'auditeur, ses missions et obligations sont encadrées depuis plusieurs années par des normes d'exercice professionnel, ou normes ISA, d'inspiration anglo-saxonne. Elles ont été créées à la suite de mises en cause d'auditeurs. D'aucuns ont trouvé opportun d'encadrer leurs missions et de définir ce que l'on attend des auditeurs et les obligations auxquelles ils doivent se soumettre.

La France dispose de son propre jeu de normes d'exercice professionnel, homologué par un arrêté réglementaire. Dans de nombreux pays, c'est l'IAASB, ou International Auditing and Assurance Standards Board, qui a proposé de normaliser la démarche de l'auditeur. Cette initiative privée née dans les années soixante-dix est devenue la référence, à tel point que la huitième directive tend à homologuer les normes ISA. Le commissaire européen Michel Barnier, dans son projet de réforme de l'audit, propose que les ISA deviennent les normes d'exercice professionnel de référence.

La France s'est fortement inspirée de ces ISA dans sa réglementation. L'approche diffère sur la forme : les Français publient un arrêté synthétique rappelant strictement les obligations sans les commenter. Les Anglo-Saxons commentant la règle, les normes et les doctrines comptent une trentaine de pages. Au-delà de quelques spécificités françaises sur le fond, la démarche d'audit est la même : nos normes d'exercice professionnel sont similaires aux normes d'exercice professionnel internationales.

À ce titre, on observe une harmonisation du rôle du commissaire aux comptes. Dans sa proposition de réforme, M. Barnier tend à renforcer plus encore l'harmonisation des missions d'auditeur en proposant un passeport européen. La Commission européenne a mis en place une coordination qui va voir ses pouvoirs renforcés pour harmoniser les pratiques du commissariat aux comptes.

Au niveau international, en l'absence de cadre juridique contraignant, ce sont les régulateurs d'audit, de leur propre initiative, qui ont trouvé nécessaire d'harmoniser les missions du commissaire aux comptes et les méthodes de contrôle.

Le constat est le suivant : les grands cabinets d'audit et les grands groupes étant internationaux, il est vain d'envisager une régulation purement locale ; celle-ci est en tout cas insuffisante. Face aux grands réseaux, aux sociétés, aux marchés boursiers internationalisés, il convient d'harmoniser les règles, celles qui encadrent la mission des commissaires aux comptes comme celles qui s'imposent aux régulateurs contrôlant la qualité du travail de ceux-ci. Nous essayons par conséquent d'harmoniser la démarche, le rôle, les missions du commissaire aux comptes.

Le rapport entre l'entité et le commissaire aux comptes est un grand sujet pour les pouvoirs publics : l'auditeur étant rémunéré par l'entité qu'il contrôle, est-il suffisamment indépendant ? Les carences de l'audit, dans certaines affaires, ont mis en lumière un manque d'indépendance. Les problèmes relevaient moins de compétences techniques que d'un défaut d'indépendance.

La France, avec la loi de sécurité financière, puis l'Europe ont souhaité organiser un contrôle de cette profession. Pour notre part, nous avions mis l'accent sur cette question de l'indépendance, qui figure d'ailleurs en bonne place dans la réforme de l'audit proposée par M. Barnier. Voilà dix ou quinze ans, nos homologues ne considéraient pas cette question comme cruciale. Aujourd'hui, tout le monde y est sensible et bien des pays s'accordent à reconnaître avec nous que l'indépendance est l'un des critères de qualité de la mission de commissaire aux comptes.

C'est ainsi que le cumul des missions de conseil et d'audit a été interdit. Les contraintes sont plus ou moins strictes selon les pays : la France a prévu des interdictions strictes, d'autres États se fondent sur des notions de risque. Notre code de déontologie rappelle les prestations que peuvent fournir les commissaires aux comptes, celles qui leur sont interdites et celles qui nécessitent d'importantes mesures de sauvegarde.

Cette question de l'indépendance du commissaire aux comptes à l'égard de l'entité est un vrai sujet, elle fait partie de notre quotidien. Compte tenu de ce lien, nous vérifions la compétence, la qualité de la démarche et des travaux de l'auditeur. Nous contrôlons attentivement que des prestations incompatibles ou mettant en cause l'indépendance des commissaires aux comptes n'ont pas été réalisées.

La notion de groupe est également au coeur de nos préoccupations. La fonction de régulateur d'audit est relativement récente et nous ne détenons pas de solution miracle. Au sein de la coordination européenne, nous commençons à envisager la possibilité pour les régulateurs d'audit de partager des informations et de mener des inspections conjointes au sein de l'Union européenne - voire avec d'autres pays, mais c'est plus compliqué - afin d'appréhender les groupes.

Il est assez courant, par exemple, qu'un grand réseau audite la tête de groupe d'une holding tandis que des associés à ce réseau auditent les filiales localisées dans différents pays. Il faudrait parvenir à rassembler les informations, à harmoniser les contrôles, voire à réaliser des contrôles conjoints pour détecter les défaillances, les carences dans la qualité des audits. Cette démarche, embryonnaire, n'est pas facile à mettre en oeuvre. Elle est conforme à la philosophie de la directive, qui est de chercher à appréhender la notion de groupe via des harmonisations, des contrôles conjoints, des échanges d'informations, des rapprochements entre régulateurs.

Les risques fiscaux - je parle sous le contrôle de Mme Doblado - ne font pas l'objet d'une approche ou d'une réflexion commune. Depuis environ un an et demi, les régulateurs d'audit se sont focalisés sur la crise financière et la question des dettes souveraines. Il leur est apparu essentiel de déterminer la façon dont les commissaires aux comptes appréhendaient les questions liées aux dettes souveraines, comment ils auditaient la variation des instruments financiers, les modèles de valorisation des entreprises, etc. Pour l'instant, le risque d'optimisation fiscale n'est pas un thème majeur pour les coordinations.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion