Monsieur le Président, mes chers collègues. En janvier dernier, le bureau de la délégation a retenu, dans son programme de travail, l'idée d'un rapport sur l'avenir des territoires, pour compléter l'excellent rapport sur la prospective des villes de notre collègue Jean-Pierre Sueur.
C'est ainsi que nous avons sollicité et reçu, Renée Nicoux, Gérard Bailly et moi-même, mandat de travailler sur l'avenir des campagnes.
Pourquoi s'engager dans ce rapport ? En dépit de la prédominance économique et démographique des villes, la France demeure un espace essentiellement rural, maillé par 29 343 « communes rurales » au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui représentent 78 % du territoire métropolitain et 22 % de la population.
Les figures de la campagne française sont évidemment diverses mais, par delà la variété des configurations locales, les multiples dynamiques à l'oeuvre dans les différents territoires ont abouti, globalement, à une inversion des flux de population.
Après plus d'un siècle d'exode rural, le solde migratoire dans les campagnes est devenu positif à la fin des années soixante-dix. Il en va de même, depuis 2000, du solde naturel, c'est-à-dire, des naissances moins les décès.
C'est là, sans doute, un motif de satisfaction pour les élus que nous sommes, et pour qui redoutait, il y a quelques décennies encore, une tendance irrésistible à la désertification d'une portion majeure de notre territoire. Mais c'est aussi une source d'interrogations, et de multiples difficultés...
Après quelques auditions, nous sommes aujourd'hui en mesure de vous présenter notre étude de faisabilité. Je vous rappelle que, selon notre règlement intérieur, avant de mener au fond un travail de prospective, l'étude de faisabilité doit permettre à la Délégation d'apprécier le contenu du sujet, ses difficultés, sa méthode, son calendrier et son budget.
Pour aborder un sujet, il est habituel d'en donner une définition, ou d'en circonscrire le champ. Pour des questions de délimitation des compétences avec la Délégation à l'Outre-mer, nous en resterons au territoire métropolitain. Il s'agit donc d'appréhender, dans ce périmètre, la notion de campagne ou de territoires ruraux.
Sous l'angle topographique, en soustrayant les surfaces artificialisées - qui ont progressé de l'équivalent d'un département français moyen en sept ans -, la campagne représente 91 % du territoire.
Sous l'angle géographique, la densité de population est le critère le plus intuitif. C'est celui retenu par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Eurostat, ainsi que la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) pour son approche des « territoires de la faible densité » ; caractérisés par moins de 30 habitants au km2, ils représentent alors 48 % du territoire. D'autres approches - notamment celle de l'INSEE - retiennent la continuité du bâti comme critère principal, avec, au final, 78 % du territoire considéré comme rural.
Enfin, certaines approches, cette fois de nature fonctionnelle, intègrent la répartition des emplois dans leur zonage...
Au total, il conviendra, sans doute, de ne pas adopter de définition statistique particulière, mais de s'intéresser plutôt aux systèmes de relations entre monde urbain et monde rural, tout en gardant à l'esprit la diversité des approches envisageables.
Dans cette perspective, une typologie des plus efficaces a été proposée en 2002 par Philippe Perrier-Cornet et Bertrand Hervieu. Elle distingue la « campagne ressource » de l'agriculture et des activités économiques, la « campagne cadre de vie » de la résidence et des loisirs, et la « campagne nature », espace de protection et de conservation des ressources et équilibres naturels. Cette classification fonctionnelle met en évidence les conflits d'usage potentiels.
Sur la base de multiples critères, la DATAR distingue, pour sa part, 7 catégories de campagnes, débouchant sur une véritable géographie de la ruralité française. De manière commune à ces deux typologies, on s'aperçoit qu'émergent les problématiques centrales de la dialectique ville-campagne et des phénomènes de périurbanisation.
Par ailleurs, aborder un nouveau sujet suppose de faire le point sur l'état de la science. Il existe deux « sommes » prospectives récentes portant sur les campagnes :
- le travail intitulé « Les nouvelles ruralités en France à l'horizon 2030 », publié par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) en 2008. Dirigé par Olivier Mora, que nous avons auditionné le 27 avril dernier, il décline 4 scénarios ;
- l'exercice « Territoires 2040 » de la DATAR, paru en 2011, qui examine le devenir de sept « systèmes spatiaux », dont les « espaces de la faible densité » figurent les « campagnes ». Leur devenir épouse ici 5 scénarios, qui vous ont été présentés en Délégation le 7 mars dernier.
Par ailleurs, le Comité d'évaluation et de contrôle (CEC) de l'Assemblée nationale a publié, en février 2012, un rapport intitulé « Territoires ruraux, territoires d'avenir ». Ce rapport cherche surtout à évaluer les outils de la décentralisation et de l'aménagement du territoire dans leur aptitude à valoriser ces territoires.