Quels pourront être nos axes de recherche ? La difficulté provient, ainsi, des travaux préexistants, très proches de l'objet a priori notre recherche. Comment trouver une temporalité - ou une approche - à la fois singulière et fructueuse ?
Première possibilité, choisir une « voie moyenne », avec un horizon temporel qui pourrait être celui de 2020 et une approche qui, sans « coller » aux instruments existants dans ses conclusions, en serait nécessairement voisine dans ses explorations.
Le risque demeurerait, au regard des travaux existants, de paraître in fine redondants.
Deuxième possibilité, choisir un examen ou un questionnement thématique, assorti d'un terme adapté.
Une telle démarche permettrait de s'émanciper facilement des rapports préexistants, d'autant plus que certains aspects y sont insuffisamment développés.
Par exemple, la diffusion du très haut débit, pourtant inéluctable, n'a véritablement d'impact que dans certains scénarios de l'INRA et de la DATAR ; autre exemple, le réchauffement climatique, à peine évoqué dans les scénarisations de la DATAR et de l'INRA.
Dans cette logique, la Délégation se proposerait alors d'étudier « L'impact du très haut débit dans les campagnes en 2040 » ou les rapports entre « Territoires ruraux et réchauffement climatique en 2050 »...
Mais le résultat final demeurerait en deçà des attentes initialement formulées.
Dernière possibilité, estimer que l'essentiel du travail de prospective rurale a été fait par l'INRA et la DATAR, qui y ont chacun consacré, durant environ deux années, des moyens importants, et se livrer, sur cette base et celle de nos auditions, à une synthèse prospective débouchant sur des préconisation générales.
Il s'agirait ainsi de discuter des scénarios présents « sur le marché », de marquer une préférence pour ceux qui conduisent à un développement équilibré des territoires ruraux, puis de métaboliser un « scénario souhaitable » à l'horizon 2030/2040, éventuellement décliné en plusieurs sous-scénarios.
Ce « scénario souhaitable » pourrait s'inscrire en résonnance avec le scénario n° 4 de l'INRA (« Les campagnes dans les mailles des réseaux des villes ») et le scénario n° 4 de la DATAR (« Le canevas territorial des systèmes entreprenants »). Ces deux scénarios aboutissent, en effet, à un développement économique appréciable et à un peuplement relativement harmonieux des campagnes.
Celui de l'INRA prévoit, en particulier, « une réorganisation des rapports ville-campagne pour limiter la périurbanisation des grandes agglomérations et l'orientation des migrations résidentielles vers les bourgs ruraux, petites villes et villes moyennes ». Il décrit alors « des territoires imbriquant espaces urbains et ruraux multipolarisés et structurés par des réseaux de villes et de bourgs donnant à tous l'accès à une gamme complète de services et à des emplois ». Enfin, dans ce scénario, « les dynamiques territoriales allient économie résidentielle et productive » ...
... Toutes perspectives devant être précisées mais auxquelles, me semble-t-il, la plupart d'entre nous pourrait se rallier.
Les autres scénarios identifiés par l'INRA et la DATAR, de nature plus ou moins « tendancielle », présentent de nombreux écueils : isolement ou exploitation des campagnes, arraisonnement par les métropoles ou confinement dans une logique d'étalement urbain ou, encore, muséification desséchante.
Dans le « scénario souhaitable », la question que nous nous poserions serait la suivante : comment favoriser le développement économique, freiner les polarisations excessives et, au final, préserver l' « éventail des possibles » dans nos campagnes ?
Un certain nombre de recommandations, ou, plutôt, d'orientations d'ordre général, seraient alors formulées pour que le « scénario du souhaitable » se réalise, en lieu et place de certaines évolutions tendancielles. Dans cette perspective, les modalités et le fond de nombreuses politiques seront questionnées : l'implantation du très haut débit, les mobilités, l'accès aux services publics et la santé, l'agriculture, l'environnement etc.
Préserver le potentiel des campagnes nous ramènera immanquablement à une interrogation prosaïque : comment satisfaire, dans un contexte de raréfaction des crédits et de rationalisation de services essentiels, des besoins toujours plus nombreux, et toujours plus ajustés sur ceux des populations urbaines ?
Au total, la démarche qui vous est proposée ne participe pas d'une recherche prospective exhaustive ; elle consiste en revanche à s'appuyer sur un ou plusieurs scénarios pour définir des orientations de court, moyen et long terme favorables à un développement équilibré des campagnes.
Ces orientations, en phase avec le tropisme politique d'une instance parlementaire, feraient consensus entre les rapporteurs et au sein de la délégation.
J'en viens au programme de travail et aux moyens nécessaires.
Outre les cinq auditions que nous avons menées, une vingtaine d'auditions nous semblent nécessaires pour embrasser toutes les dimensions du sujet. Quatre déplacements nous sembleraient utiles, dont certains permettraient de comparer des prospectives passées à ce qui est advenu sur les territoires concernés. S'ensuivrait un atelier de prospective, pour une reddition des travaux la seconde quinzaine de novembre, suivant le calendrier figurant dans le rapport de faisabilité. Les quelques déplacements envisagés pour trois sénateurs et deux fonctionnaires constitueraient l'essentiel des dépenses engagées pour cette étude.