Intervention de Didier Migaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Dans son rapport sur l'exécution budgétaire de 2011, la Cour formule dix-sept recommandations susceptibles d'améliorer la qualité de la gestion budgétaire. Sur les trente recommandations de l'an passé, seize ont été, totalement ou partiellement, mises en oeuvre, douze ne l'ont pas été, deux sont devenues sans objet. Pour la première fois, la Cour en publie un suivi complet cette année.

Dans un contexte de crise persistante, l'exercice budgétaire 2011 traduit l'amorce d'une stratégie de consolidation budgétaire qu'il faudra poursuivre et amplifier au cours des exercices suivants pour tenir la trajectoire. L'exercice sera difficile compte tenu des fragilités relevées, il devra s'appuyer sur des outils plus fiables et un recours plus systématique à l'évaluation.

J'en viens à l'acte de certification des comptes, le sixième depuis la promulgation de la LOLF, auquel la qualité des outils n'est pas une question étrangère. Cet exercice apporte une assurance raisonnable sur la sincérité des états financiers. Peu d'État dans le monde et dans la zone euro se soumettent ainsi au contrôle d'un auditeur externe, qui participe de la transparence financière due aux parlementaires, aux citoyens, et aux investisseurs.

La comptabilité générale est fondamentale pour apprécier l'évolution des passifs et des engagements de l'État ainsi que celle de ses actifs, au-delà de l'annualité budgétaire. Par exemple, les provisions pour risques et charges, qui s'établissent à 114 milliards d'euros en 2011, recouvrent des enjeux divers, du versement des primes des plans et contrats épargne logement, à l'indemnisation des victimes civiles de guerre et des anciens combattants en passant par les versements aux collectivités locales au titre du FCTVA. Elles donneront lieu à des décaissements futurs, qui ne sont pas pris en compte dans l'exécution budgétaire de 2011. Autre point, les engagements hors bilan de l'État dont un tableau synthétique retracera pour la première fois les principaux traits à notre demande.

La Cour certifie que le compte général de l'État de l'exercice clos le 31 décembre 2011 et arrêté le 10 mai 2012 est régulier, sincère et fidèle. Cette certification est délivrée sous sept réserves substantielles, comprenant soixante-et-onze points significatifs d'audit, contre soixante-six au 31 décembre 2010.

Aucune des sept réserves substantielles que la Cour avait formulées sur les comptes de 2010 n'est levée cette année, quoique des progrès aient été constatés sur la comptabilisation du patrimoine immobilier de l'Etat ainsi que des améliorations ponctuelles. Elles portent respectivement sur les systèmes d'information, les dispositifs de contrôle interne et d'audit interne, les produits régaliens, les passifs d'intervention et autres passifs non financiers, les actifs et passifs du ministère de la défense, les participations et les autres immobilisations financières et le patrimoine immobilier.

Deux d'entre elles se sont alourdies cette année. D'abord, nous avons étendu la réserve relative aux passifs d'intervention aux autres passifs non financiers et aux engagements hors bilan. Concernant les passifs d'intervention, la ministre des comptes publics a pris, en avril 2012, un arrêté modifiant la norme applicable, ce qui les diminuera sans modifier la réalité des engagements. Pour mémoire, les provisions pour charges de transfert s'élèvent à 85 milliards d'euros au 31 décembre 2011, soit 2 milliards de plus qu'en 2010. L'enjeu est majeur quand le montant des charges d'intervention est globalement du même ordre que les charges de fonctionnement de l'État au compte de résultat. Autre motif de cette réserve, le manque récurrent d'exhaustivité dans le recensement des passifs et engagements hors bilan, notamment des garanties apportées par l'État. La Cour, qui attend une évolution ferme de l'administration sur ce sujet en 2012, prend acte de l'engagement pris par le directeur général du Trésor de se doter des outils nécessaires.

Ensuite, la réserve relative aux immobilisations financières. Le problème vient d'un désaccord sur le statut des établissements publics de santé. Pour l'administration, ceux-ci ne sont pas contrôlés, au sens comptable du terme, par l'État. Pourtant, depuis la loi HPST, ils sont soumis à la tutelle des agences régionales de santé. La certification des comptes des hôpitaux reste donc à mettre en oeuvre.

Le bilan de l'État au 31 décembre 2011 fait apparaître une dégradation de la situation patrimoniale nette de l'État de près de 70 milliards : le passif net de l'État augmente plus rapidement que son actif net. La cause principale en est le déficit budgétaire et l'augmentation de la dette financière.

Quelques mots de l'effet de la crise grecque sur les comptes de l'État. Outre sa contribution au Fonds européen de stabilité financière (FESF) et au Mécanisme européen de stabilité (MES), l'État français a consenti un prêt bilatéral à l'Etat grec de 11,4 milliards inscrit à l'actif de son bilan. Ce prêt n'a pas été déprécié, pour des raisons expliquées par le directeur général du Trésor dans un courrier du 24 avril 2012. Le compte général de l'Etat, arrêté au 10 mai 2012, ne tient pas compte des derniers développements. Il conviendra, au cours de l'année 2012, d'être vigilant sur la valeur de ce prêt.

Pour conclure, la bascule de la comptabilité générale de l'État dans Chorus au 1er janvier 2012 a nécessité d'importants travaux préparatoires. Cette étape étant franchie, reste à s'approprier progressivement l'outil et à mettre en place trente-six contrôles internes appropriés. Il contribuera à l'organisation d'une fonction financière et comptable plus cohérente, nécessaire à une retranscription comptable sincère et fidèle de la réalité des opérations, des engagements et des risques qui pèsent sur l'ensemble complexe et mouvant que forment l'État et ses participations.

S'agissant de la certification, la dynamique d'amélioration de la qualité des comptes de l'État, engagée en 2006, a connu un ralentissement marqué en 2011. Si ce mouvement devait se poursuivre, la Cour, qui avait pris le parti d'une démarche d'accompagnement en 2007, ne s'interdirait pas de se déclarer incapable de certifier les comptes. Mais nous n'en sommes pas là !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion