Intervention de Jean-François de Vulpillières

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 2 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-François de Vulpillières conseiller d'état honoraire président de la commission des infractions fiscales

Jean-François de Vulpillières, président de la Commission des infractions fiscales :

Monsieur le rapporteur, je vous répondrai tout d'abord sur « l'acharnement ». L'administration est humaine... Elle subit une forte pression pour faire rentrer l'impôt et il peut arriver, comme on dit, que le raisonnement chasse la raison.

Je vous citerai un cas récent, sans donner évidemment de précision nominative. Un chef de famille riche avait organisé, dans le cadre d'une transmission de patrimoine, une fraude fiscale atteignant la troisième génération, c'est-à-dire concernant les enfants et les petits-enfants. L'administration fiscale était en droit de nous proposer une plainte pénale visant les quatorze ou quinze personnes de la parentèle.

Or, autant la responsabilité du chef de famille, d'ailleurs auteur de la fortune concernée, était considérable, autant il nous a semblé que, à la troisième génération, des gens très jeunes - vingt et un, vingt-deux ans -, ayant des situations relativement modestes - en l'espace de trois générations, une évolution s'était produite au sein de la famille -, et ayant subi certainement une forte pression familiale pour entrer dans cette combinaison frauduleuse ne méritaient pas d'être poursuivis pénalement. Par conséquent, nous avons disjoint les dossiers d'un certain nombre de personnes qui, je le répète, étaient très jeunes.

C'est là un cas où il nous a semblé que l'administration fiscale pouvait avoir manifesté, presque inconsciemment, de l'acharnement. Un certain nombre d'affaires méritent d'être appréciées par des gens extérieurs au dossier, par des hauts fonctionnaires qui ont du recul par rapport aux directions départementales et qui peuvent freiner l'administration.

Monsieur le rapporteur, vous m'avez interrogé sur la non-déclaration des comptes à l'étranger. Pour l'administration fiscale, il n'est pas facile de savoir si les contribuables possèdent de tels comptes !

Certes, le contribuable doit a priori tout déclarer, notamment au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune, puis l'administration fiscale met en action les conventions fiscales pour éviter les doubles impositions. Toutefois, je le répète, le problème pour l'administration fiscale est de savoir ce qu'il en est réellement.

Concernant le nombre des dossiers, parmi les mille que nous traitons annuellement, qui relèvent de l'évasion fiscale, nous ne dressons pas de statistiques et je n'en dispose donc pas. Je ne puis avoir qu'une impression.

En l'occurrence, le nombre de dossiers n'a pas de signification : nous traitons des affaires petites ou grandes, et je n'ai pas d'indication sur la fraude fiscale en volume. Nous avons examiné récemment un dossier portant sur un héritage, où les sommes sont énormes et dont l'administration a eu connaissance par la délation des membres de la famille concernée. Il est certain qu'une telle affaire pèse très lourd par rapport à de nombreux petits dossiers liés au bâtiment, au gardiennage, à des sociétés de surveillance, à des trafics de voitures à l'intérieur de l'Europe.

Toutefois, je ne dispose pas de statistiques. Nous n'avons pas les moyens d'en dresser. Le ministère des finances est plus éclairé que nous à cet égard, me semble-t-il.

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