Comment la Cour de cassation a-t-elle été saisie ? Une mesure d'exécution, à savoir une visite domiciliaire, a reçu l'autorisation d'un juge et s'est déroulée. Or le contribuable concerné a soutenu que cette mesure était irrégulière et demandé l'annulation de la procédure. L'affaire est remontée jusqu'à la Cour de cassation et celle-ci, dans une décision du 31 janvier 2012, a estimé que « La preuve illicite est irrecevable (ou Le vol est un péché capital) » - tel est le titre d'un article que le doyen honoraire de la Cour de cassation, M. Bernard Hatoux, a fait paraître en avril dernier à la Revue de jurisprudence fiscale et que j'ai sous les yeux.
L'idée est que l'administration fiscale ne peut pas mettre au service de ses intérêts le résultat d'un vol. Cette liste a été volée par M. Falciani. C'est au vu de ce document que l'administration fiscale entreprend des recherches de police judiciaire pour savoir ce qu'il en est exactement. L'État a donc été alimenté par le produit d'un vol, ce qui, pour la Cour de cassation, rend ses mesures illégales.
Je précise à ce sujet qu'il y a donc une distinction entre la dénonciation et le vol... Nous disions au Conseil d'État que, si l'on veut frauder, il ne faut le dire ni à sa secrétaire ni à son épouse, car nos dossiers étaient régulièrement alimentés par des dénonciations de l'épouse répudiée ou de la secrétaire. L'administration fiscale travaille beaucoup sur dénonciations. Toutefois, ici, il s'agit d'un pas supplémentaire, à savoir le vol d'un document, donc la Cour de cassation considère que les décisions qui en découlent sont irrégulières.
Je ne sais pas dans quel contexte la décision a été prise - le jugement a été rendu au sujet d'une mesure de police judiciaire -, ni quelles conséquences le ministère des finances va en tirer. À lire la chronique de ce doyen honoraire à la Cour de cassation, on se demande même si le procureur de Nice devait donner à l'administration la liste qui lui a été remise. En principe, les magistrats du parquet sont tenus de transmettre à l'administration tous les faits ayant une incidence de fraude fiscale, mais, ici, on s'interroge même sur ce point. Le principe est brutal : l'administration ne doit pas se servir d'un vol.