Intervention de Daniel Gutmann

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 2 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Daniel Gutmann avocat associé au sein du cabinet cms bureau francis lefebvre et professeur à l'université paris i panthéon-sorbonne et patrick dibout avocat associé au sein de ernst et young et professeur à l'université paris ii panthéon-assas

Daniel Gutmann, avocat associé au sein du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre et professeur à l'université Paris I, Panthéon-Sorbonne :

Il y a plusieurs choses.

D'abord, sans doute l'administration n'a-t-elle pas pris immédiatement conscience du fait que certains schémas étaient plus répandus qu'elle ne le pensait.

Ensuite, il est vrai que dans certains cas l'inertie de l'administration est étonnante. Vous vous rappelez peut-être l'affaire des fonds « turbo », qui a défrayé la chronique dans les années quatre-vingt-dix. Ce sont tout de même des schémas qui ont été assez rapidement connus. Peut-être dois-je rappeler ce qu'étaient les fonds « turbo ». Il s'agissait de schémas qui consistaient à acquérir des titres de société et à encaisser un dividende assorti de l'avoir fiscal à l'époque, ce qui faisait économiser des impôts substantiels, puis à revendre les titres. On avait obtenu le crédit d'impôt au passage. De manière très imprudente, sans du tout envisager les conséquences que cela pourrait avoir, la doctrine administrative avait admis l'utilisation du crédit d'impôt dans ces conditions-là.

Une industrie s'est donc développée de manière assez rapide pour profiter de la bénédiction que l'administration avait très imprudemment donnée. Et il a tout de même fallu un certain temps avant que l'administration prenne conscience de l'ampleur du phénomène, agisse, et d'ailleurs perde dans un premier temps : la doctrine administrative étant opposable à l'administration, les contribuables étaient protégés par le fait que la doctrine s'appliquait à eux. Et quand bien même ils auraient commis un abus de droit, l'abus de droit cédait devant l'opposabilité de la doctrine.

Il y a des cas où il est effectivement assez inexplicable que l'administration n'ait pas plus rapidement alerté l'attention du législateur sur ces questions. Peut-être aussi tout simplement n'avons-nous pas fait preuve de suffisamment d'inventivité. Même dans les États étrangers, les ripostes législatives dont j'ai évoqué tout à l'heure quelques exemples ont eu lieu très tardivement.

Encore une fois, je crois que cela vient aussi du fait que, pendant une certaine période, tout cela était perçu comme parfaitement légal. Le fait qu'une même opération soit qualifiée différemment dans deux États est bien malheureux, mais ce n'est pas illégal. Donc, pourquoi intervenir sur des opérations qui n'ont rien d'illégal ? En l'absence d'un contexte budgétaire tel que le nôtre aujourd'hui, ce n'est pas la priorité. Je ne vois que cela comme explication.

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