Je vous le demande, car je tiens à mentionner qu'il existe, outre le dispositif répressif, un dispositif préventif dont fait partie la déclaration de soupçon à TRACFIN.
L'obligation de déclaration concerne évidemment les banques, mais aussi un certain nombre de professions réglementées dépendant du ministère de la justice, comme les notaires, les avocats et même les huissiers. Ces professions ont quelquefois certaines difficultés - le mot est faible - à respecter cette obligation légale.
Outre cette règle de la plainte préalable, à laquelle je vous ai expliqué que nous avons la faculté juridique de déroger, nous pouvons être confrontés à une seconde difficulté, qui tient au secret bancaire.
Le secret bancaire n'est opposable ni à l'autorité judiciaire ni même, sous certaines conditions, à certaines administrations françaises comme le fisc, les douanes ou l'Autorité des marchés financiers. Bien plus, ne pas faire droit à une réquisition de l'autorité judiciaire constitue une infraction pénale. Cette règle est claire, et il n'y a pas de difficulté de cet ordre à l'intérieur du territoire français.
En revanche, dès qu'ils sortent des frontières nationales - ce qui se produit assez vite en matière de fraude fiscale -, les magistrats français se heurtent à d'autres difficultés. En effet, les conceptions de la fraude fiscale, du secret bancaire et de son périmètre ne sont pas les mêmes selon les pays.
Certes, la convention de Mérida a posé le principe de l'inopposabilité du secret bancaire tel qu'il est défini dans les textes internationaux. Mais tous les États ne l'ont pas ratifiée.
Au sein de l'Union européenne, la situation est à peu près claire : le secret bancaire ne peut pas être un obstacle à l'exécution d'une demande d'entraide lorsqu'elle porte sur une infraction pénale.
Parfois, nous ne nous heurtons pas tant à un problème juridique qu'à un problème technique, les États auxquels nous nous adressons étant dans l'impossibilité matérielle de nous répondre d'une manière qui nous permette de mener des investigations efficaces. Par exemple, nous avons en France un outil tout à fait essentiel du point de vue de l'autorité judiciaire, mais pas seulement du sien : le fichier national des comptes bancaires et assimilés, le FICOBA. Mais ce fichier centralisé qui recense les comptes bancaires n'a pas d'équivalent, loin s'en faut, dans tous les États partenaires de la France.
En l'absence d'un tel fichier, un magistrat qui a besoin de mener des investigations pénales hors du territoire national est obligé d'adresser autant de réquisitions bancaires qu'il y a d'établissements bancaires possiblement concernés par son enquête. Certes, rien n'est impossible. Mais vous imaginez bien qu'il est beaucoup plus facile de s'adresser à un seul organisme centralisé dont on est sûr a priori qu'il possède l'intégralité des informations...
Multiplier les réquisitions, c'est multiplier le temps d'enquête, les interlocuteurs et donc les difficultés. C'est augmenter l'inefficacité et la lenteur relatives qui, dans ce domaine mais aussi dans d'autres, sont souvent reprochées aux enquêtes pénales - mais qui ne résultent pas seulement de l'inaction des magistrats.
Il faut ajouter que, en vertu du principe de spécialité, l'administration fiscale française peut seule faire usage des renseignements de nature fiscale dont elle a demandé communication à une administration fiscale étrangère. Si, par la suite, ces informations viennent à servir à l'autorité judiciaire, pour précieuses qu'elles soient, l'État qui les a transmises peut s'opposer à leur utilisation au nom du principe de spécialité, en faisant valoir que les renseignements sont transmis d'administration fiscale à administration fiscale. Pour cette raison, les demandes de type administratif que l'administration fiscale française adresse à l'étranger comportent dans leur majorité, voire dans leur intégralité, une clause selon laquelle les informations transmises pourront, en cas de besoin, être communiquées à l'autorité judiciaire. Reste qu'il faut savoir que le principe existe et qu'il peut être une voie d'opposition utilisée par un pays partenaire.
Dans une dernière partie, je vais vous présenter les voies d'amélioration possibles.
Sur le plan international, même si les textes pour des raisons politiques et diplomatiques utilisent des termes suffisamment généraux pour que chacun puisse s'y retrouver, donnant ainsi l'impression parfois d'une langue de bois internationale, je me dois de mentionner les recommandations du groupe d'action financière, le GAFI, et la convention de Mérida des Nations unies qui, pour la France, constitue une véritable bible à laquelle nous nous référons en permanence pour essayer d'améliorer la législation pénale - pour parler de ma partie.
Sur le plan international, donc, je me dois de mentionner les recommandations du groupe d'action financière, le GAFI, et la convention de Mérida des Nations unies qui, pour la France, constitue une véritable bible à laquelle nous nous référons en permanence pour essayer d'améliorer la législation pénale - pour parler de ma partie.
En outre, sur le plan européen, nous aurons bientôt les travaux de révision de la troisième directive anti-blanchiment. Ces règles européennes constituent pour nous de vrais standards internationaux, mais il est vrai qu'elles n'ont pas forcément la même valeur dans tous les pays.
Sur le plan national, je vais rapidement vous présenter cinq leviers qui me paraissent intéressants.
Ils illustrent le fait que le ministère de la justice, avec le soutien du ministère de l'intérieur qui met à la disposition des magistrats enquêteurs des services d'enquête, notamment des services d'enquête spécialisés, composés de policiers ou de gendarmes, s'est doté d'outils pour perfectionner, actualiser et maintenir le niveau de répression pénale de l'évasion fiscale - au sens où cette notion est vulgairement entendue.
Peut-être ne savez-vous pas que le ministère de la justice s'est engagé, depuis une dizaine d'années, dans une démarche générale de spécialisation.
Pour ce qui concerne la lutte contre la délinquance organisée, de manière générale et en matière économique et financière plus précisément, il s'est organisé en juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS. Ces juridictions, qui sont au nombre de huit, sont composées à la fois de magistrats spécialisés du parquet, de juges d'instruction spécialisés et de services d'enquête spécialisés.
Bien sûr, quand on pense à la criminalité organisée, on pense davantage, par exemple, à des trafics de stupéfiants. Mais les JIRS traitent aussi de certaines affaires de fraude fiscale assez complexes.
Ces groupes sont composés de professionnels habitués à travailler ensemble. Leur savoir-faire et leur compétence sont assez développés. Je ne dis pas qu'ils sont toute la solution au problème et que leur réussite est absolue, mais ce sont des outils au service d'une politique.
Permettez-moi de rendre hommage, en les citant, aux équipes d'enquêteurs spécialisés qui sont mises à notre disposition dans le cadre des enquêtes économiques et financières. Je pense d'abord aux groupes d'intervention régionaux, les GIR.
Alors que les JIRS sont des organisations judiciaires, les GIR sont des services d'enquête pluridisciplinaires.