Intervention de Pierre-Franck Chevet

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 9 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Pierre-Franck Chevet directeur général de l'énergie et du climat et pierre-marie abadie directeur de l'énergie au ministère de l'écologie du développement durable des transports et du logement

Pierre-Franck Chevet, du développement durable, des transports et du logement :

Je souhaite apporter une précision au sujet de la précarité énergétique, qui constitue l'un des points centraux du Grenelle de l'environnement, avec le logement. Si l'on compare le bilan d'émissions de CO2 de la France avec celui des autres pays européens, nous nous situons dans une moyenne correcte pour l'industrie et les transports, notamment parce que nous faisons un usage plus économe de l'automobile qu'un certain nombre de nos voisins ; en revanche, nous en sommes très en retard dans le domaine du logement.

Pour que notre effort financier dans ce domaine soit le plus efficace possible, il faut plutôt viser les logements en mauvais état pour obtenir le meilleur taux de rentabilité par euro investi, ce qui pose à nouveau la question de savoir comment cibler les publics précaires.

Des outils nationaux ont été mis en place - crédit d'impôt, prêt à taux zéro, etc. -, dont le coût n'est pas nul, mais l'un des grands enjeux que nous devons relever consiste à atteindre les publics qui ont vraiment besoin de ces aides, si l'on veut agir à long terme et réaliser effectivement les travaux. Je dois reconnaître en toute franchise que mes services ne sont pas armés pour atteindre cet objectif, car nous ne sommes que 240 à Paris. Ils ont donc absolument besoin du relais des acteurs de terrain, les services déconcentrés de l'État et les collectivités territoriales notamment, mais aussi les associations, pour que l'on puisse agir à l'échelle de chaque foyer. La définition des travaux à réaliser pose des problèmes très complexes, que seuls des spécialistes peuvent traiter et l'on évoque des ordres de grandeur de 10 000 euros à 15 000 euros de travaux par logement, des chiffres qui ne sont donc pas anecdotiques. Selon moi, ce sujet reste ouvert, même si des actions ont déjà été engagées, et il sera d'une importance capitale dans les années à venir.

Je souhaite également revenir sur les enseignements à tirer du rapport de la Cour des comptes sur les coûts de la filière nucléaire.

Premièrement, le rapport confirme que l'ensemble des coûts ont bien été pris en compte dans le cadre de la régulation économique de la filière nucléaire, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de coûts cachés.

Deuxièmement, le rapport démontre que des incertitudes demeurent quant au coût réel d'un certain nombre de charges - le démantèlement et la gestion des déchets. La raison en est simple : tout n'a pas encore été mis en oeuvre. Des installations permettent déjà de traiter les déchets radioactifs, mais, pour les déchets les plus nocifs - déchets à haute activité et demi-vie longue -, même si la démarche est en cours, l'installation ne fonctionne pas encore. Il en va de même pour le démantèlement : les incertitudes sont réelles puisque l'expérience est encore très récente dans ce domaine.

La Cour des comptes a réalisé des études de sensibilité, qui constituent un des points intéressants de son rapport. En résumé, malgré les incertitudes que je viens de rappeler, il résulte des simulations réalisées que la variation du coût de l'électricité, en fonction des différents scénarios envisagés, ne serait que de l'ordre de 4 % ou 5 %. Ces incertitudes ne remettent donc pas fondamentalement en cause les ordres de grandeur évoqués pour le coût de l'électricité.

Parmi les sujets qui doivent être traités en priorité figure la question de la responsabilité civile en cas d'accident nucléaire. La question est complexe, car de nombreuses conventions internationales trouvent à s'appliquer. Schématiquement, la responsabilité est supportée au premier chef par l'exploitant responsable de l'accident ; à partir d'un certain seuil, l'État concerné peut prendre le relais ; le « troisième étage de la fusée » relève de mécanismes de solidarité interétatique. Ce dispositif ne peut entrer en vigueur que si tous les États potentiellement concernés ratifient les conventions. Or un certain nombre de pays, comme l'Italie, sont en retard. La question se pose donc de savoir s'il ne faut pas, malgré tout, faire fonctionner le premier étage de la fusée, c'est-à-dire relever dès maintenant les seuils de responsabilité des exploitants nucléaires, en passant de 90 millions d'euros - chiffre considéré comme faible, raison pour laquelle on a modifié les conventions - pour passer à 700 millions d'euros.

Nous avons le sentiment qu'il faut avancer le plus vite possible dans ce domaine ; j'ajoute que la mise en oeuvre du nouveau régime de responsabilité ne devrait pas non plus modifier les ordres de grandeur concernant le coût global de l'électricité.

Enfin, le rapport de la Cour des comptes - même si ce n'était pas une découverte pour nous - a bien mis en lumière que la manière d'évaluer le coût d'utilisation des actifs nucléaires joue un rôle central dans la détermination des coûts. Plusieurs approches, toutes légitimes, sont possibles, mais elles ne répondent pas aux mêmes questions. Nous avons choisi de retenir la méthode adoptée par la commission Champsaur, fondée sur le coût restant à payer, qui n'a rien à voir avec une autre question, essentielle pour le futur, celle des coûts de développement des nouveaux réacteurs. Nous reviendrons sur cette question, mais je laisse la parole à Pierre-Marie Abadie pour détailler les différentes méthodes d'analyse.

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